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CHAPITRE XXXII.

tique rendait les derniers soupirs. Les orateurs qu’Aristote avait préparés par ses leçons ont dû tourner vers d’autres carrières leur ambition et leur activité. Pour Isocrate, ce qu’il enseignait ne différait nullement de ce qu’il avait lui-même appris des sophistes. Ses propres ouvrages prouvent qu’il pratiquait sans scrupule tous les petits artifices en quoi l’art consistait à leurs yeux. Seulement, un fonds d’honnêteté naturelle, le souvenir des leçons de Socrate, les exemples littéraires de Platon, enfin ce sens attique qui semble avoir été sa qualité la plus appréciée, le préservèrent des aberrations où avaient été entraînés Gorgias et les siens. Aussi les disciples qui sortaient de son école valaient-ils mieux que les démagogues formés par les sophistes. On conçoit donc qu’il ne se soit pas reconnu pour ce qu’il était réellement, et qu’il ait écrit contre les sophistes un discours où il est loin de les traiter en fils ou en frère.

Isocrate fut un des hommes qui travaillèrent le plus activement pour faire accepter aux Athéniens l’immixtion des Macédoniens dans les affaires de la Grèce, et pour préparer la fortune de Philippe et d’Alexandre. Il répétait sans cesse et partout qu’il fallait un chef à la Grèce. On dit pourtant qu’il mourut de chagrin le jour où l’on ensevelit les morts de Chéronée. Il est vrai qu’il ne fallait pas une émotion bien vive pour tuer un vieillard de quatre-vingt-dix-huit ans.


Isocrate orateur.


Isocrate est un écrivain oratoire fort habile, beaucoup plus habile que ne l’avait été même Lysias. Il écrivait avec une lenteur extrême, et il calculait indéfiniment le poids d’une longue ou d’une brève, la dimension d’un mot, le circuit d’une période. Il mit quinze ans, dit-on, à composer, à limer et à polir son Panégyrique d’Athènes, qui n’a pas cinquante pages, et qui n’est pas un chef-d’œuvre.

Il n’y a rien dans ses écrits qui ressemble à l’éloquence. On y trouve assez souvent des idées justes, des faits à noter pour l’histoire, des choses belles et bonnes, mais souvent aussi des assertions fort contestables, des idées fausses, de