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ARISTOTE ET THÉOPHRASTE.

d’une fête publique, notre homme prend la parole, et soutient qu’il leur faut donner un plein et entier pouvoir. Et si d’autres proposent d’en élire dix, il s’écrie qu’il suffit d’un seul. De tous les vers d’Homère il n’a retenu que celui-ci : Le commandement de plusieurs n’est pas bon ; qu’il n’y ait qu’un seul chef ; il ignore tous les autres. Voici, du reste, quels sont ses discours habituels : « Il nous faut délibérer en conseil particulier sur ces objets ; il faut nous délivrer de cette multitude assemblée sur la place, et lui fermer le chemin des magistratures. » Si le peuple l’accueille par des huées ou lui fait quelque affront : « Il faut qu’eux ou nous quittions la ville. » Il sort de chez lui vers le milieu du jour, bien drapé dans son manteau, la chevelure et la barbe ni trop ni trop peu rognées, les ongles artistement taillés ; il fanfaronne par la place, disant : « Il n’y a plus moyen de vivre dans la ville, à cause des sycophantes ; » et encore : « Quel supplice, dans les tribunaux, d’avoir à subir ces maudits plaideurs ! » et : « Je m’étonne qu’on soit assez fou pour briguer les charges publiques. La multitude est ingrate, et elle se donne sans cesse au plus offrant et au plus prodigue. » Il exprime sa honte de voir assis à côté de lui, dans l’assemblée, un citoyen maigre et malpropre. « Quand cesserons-nous, dit-il encore, de nous ruiner en acceptant des fonctions onéreuses, et en équipant des trirèmes ? » Il déclare l’engeance des démagogues une peste détestable ; et c’est Thésée, selon lui, qui fut la cause première de tous les maux d’Athènes. « C’est Thésée, dit-il, qui rassembla dans la ville le peuple des douze bourgs ; c’est lui qui détruisit le pouvoir royal. Mais il en a porté la juste peine ; il a été la première victime des haines populaires. » Et ces discours, et d’autres qui les valent, il les tient aux étrangers tout aussi bien qu’à ceux des citoyens qui sympathisent avec lui de mœurs et de sentiments.