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ARISTOTE ET THÉOPHRASTE.

était authentique, c’est à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans qu’il aurait tracé ces fines et spirituelles esquisses. Mais l’opinion la plus probable est celle qui le fait mourir en 286, à quatre-vingt-cinq ans. Il avait composé d’innombrables ouvrages, dont quelques-uns nous sont parvenus. Ce sont, pour la plupart, des traités relatifs à l’histoire naturelle, à la météorologie, à la métaphysique, c’est-à-dire des livres où Théophraste devait à peu près se borner à être clair, simple, précis, comme il l’est en effet, et qu’un homme de génie, Platon ou Buffon, ou même Aristote, eût pu seul élever jusqu’à l’éloquence et jusqu’au sublime : or, Théophraste n’était qu’un homme de beaucoup de savoir et de beaucoup d’esprit. Mais les Caractères nous donnent une idée des agréables qualités auxquelles Théophraste avait dû son beau nom.


Les Caractères.


Les Caractères ne sont point un livre, quoi qu’en dise la préface apocryphe dont j’ai parlé. Ce sont des extraits d’un grand ouvrage aujourd’hui perdu, peut-être d’une Poétique. Ce sont probablement, comme on l’a conjecturé, des modèles que Théophraste avait dessinés pour l’usage des poëtes. Aristote lui-même avait donné l’exemple de cette méthode pratique, non pas dans sa Poétique, mais dans sa Rhétorique et dans sa Morale. Qui ne connaît le tableau des quatre âges de la vie qu’Horace a tiré du deuxième livre de la Rhétorique, et que Boileau a mis en beaux vers d’après Horace ? Mais ce qui n’était qu’un heureux accident dans les livres essentiellement techniques d’Aristote, était devenu ce semble, dans l’œuvre de Théophraste, une portion fort importante, sinon la portion capitale. D’ailleurs, Aristote se bornait à quelques traits fort généraux, et jetés sans beaucoup d’art ni d’apprêt. Théophraste pénètre plus avant dans l’analyse des vices et des travers : il les décrit avec détail, et jusque dans les plus fines nuances. Ses portraits, sobrement colorés par une imagination heureuse et tempérée, ont pourtant une certaine monotonie, qui tient à la répétition à peu près identique des formules de définition usitées parmi les péripatéticiens. Les