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ARISTOTE ET THÉOPHRASTE.

forme didactique, jusqu’à l’époque où il ouvrit l’école du Lycée, étaient non moins remarquables par les agréments de la diction que par la solidité des principes. Sans cela, comment Cicéron aurait-il pu parler de l’éloquence d’Aristote, et se donner lui-même pour un imitateur de sa manière ? L’éloge d’Aristote par Quintilien fait allusion aussi à des traités fort différents de l’Organon, de la Métaphysique, de la Politique même : « Je ne sais si Aristote est plus distingué ou par la profondeur de la science, ou par le nombre de ses écrits, ou par la douceur de son style, ou par la pénétration de son esprit inventif, ou par la variété de ses ouvrages. » La Lettre à Alexandre sur le Monde est le seul des écrits d’Aristote où l’on trouve aujourd’hui quelque chose de cette douceur de style ; et le chapitre sixième de cet opuscule prouve que Cicéron était fondé à vanter l’éclat et l’abondance de la diction d’Aristote, et son éloquence même. Il n’y a pas beaucoup d’écrits antiques, après ceux de Platon, où l’on ait jamais parlé de Dieu, de la cause motrice et conservatrice du monde, en termes plus magnifiques ni avec de plus frappantes images. Quand même ce traité serait apocryphe, comme le veulent quelques-uns sur des raisons légères, on serait toujours en droit d’affirmer qu’Aristote en avait composé d’analogues. Et c’est probablement d’un de ces traités que Cicéron a tiré le morceau si vif et si remarquable qu’il cite quelque part dans son ouvrage de la Nature des Dieux[1].


Caractère des grands ouvrages d’Aristote.


Je dois dire toutefois que, dès avant l’époque où Philippe l’appela en Macédoine, Aristote avait déjà entrepris de dompter la passion de ses contemporains pour les futilités brillantes, et de s’imposer au lecteur par la seule force du raisonnement, par l’attrait unique de la vérité. C’est dans sa retraite de Mitylène, vers 344, qu’il avait composé, dit-on, sa Politique. La forme de ce traité est d’une sévérité déjà toute scholastique ; mais la nature du sujet force à chaque instant

  1. Livre II, chapitre XXVIII.