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CHAPITRE XXXI. ARISTOTE ET THÉOPHRASTE.

gées, ou qu’il n’avait pu connaître. Partout ailleurs, ce n’est guère qu’une méthode nouvelle substituée à une ancienne méthode ; et les résultats sont en général moins satisfaisants, même pour la raison.

« De toutes les sciences, dit Cuvier, celle qui doit le plus à Aristote, c’est l’histoire naturelle des animaux. Non-seulement il en a connu un grand nombre d’espèces, mais il les a étudiées et décrites d’après un plan vaste et lumineux, dont peut-être aucun de ses successeurs n’a approché ; rangeant les faits non point selon les espèces, mais selon les organes et les fonctions, seul moyen d’établir des résultats comparatifs : aussi peut-on dire qu’il est non-seulement le plus ancien auteur d’anatomie comparée dont nous possédions les écrits, mais encore que c’est un de ceux qui ont traité avec le plus de génie cette branche de l’histoire naturelle, et celui qui mérite le mieux d’être pris pour modèle. Les principales divisions que les naturalistes suivent encore dans le règne animal sont dues à Aristote ; et il en avait déjà indiqué plusieurs, aux-quelles on est revenu dans ces derniers temps, après s’en être écarté mal à propos. Si l’on examine le fondement de ces grands travaux, on verra qu’ils s’appuient tous sur la même méthode, laquelle dérive elle-même de la théorie sur l’origine des idées générales. Partout Aristote observe les faits avec attention ; il les compare avec finesse, et cherche à s’élever vers ce qu’ils ont de commun. »

Quant au style d’Aristote, il n’en faut pas juger uniquement d’après les ouvrages qui nous sont parvenus. Aristote avait eu plusieurs manières. Ce n’est que dans son âge mûr et dans sa vieillesse qu’il dépouilla complètement l’artiste, et qu’il écrivit avec ce dédain de l’élégance et de la grâce, avec cette concision excessive qui ne redoute pas les ténèbres, et qui réduit presque la diction à une sténographie de la pensée. Il avait composé, en plusieurs genres, des ouvrages admirables par la richesse et le coloris du style ; et ses dialogues, sans égaler ceux de Platon, étaient comptés parmi les plus beaux monuments de la littérature grecque. Son imagination était vive et puissante ; il était poëte comme l’avait été son maître, et il s’était exercé avec succès au maniement des rhyth-