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PLATON.

ligence humaine. Il s’agit, entre les convives d’Agathon, de définir et de louer l’amour. Phèdre, Pausanias, Éryximaque, Aristophane et Agathon font paraître successivement l’amour sous divers aspects, chacun selon ses idées, selon son tempérament, selon son caractère. Socrate, sommé de parler à son tour, raconte une conversation qu’il avait eue jadis avec une femme de Mantinée nommée Diotime : artifice fort simple, et qui met Platon à l’aise ; car il a pu ainsi faire passer sans invraisemblance, par la bouche de Socrate, toutes les idées qu’il lui plaisait, même des idées auxquelles le fils de Sophroniscus n’avait certes songé de sa vie, et exhaler tout le souffle lyrique de son âme. Voici la conclusion du discours de la prétendue femme de Mantinée : « Le droit chemin de l’amour, qu’on y marche de soi-même ou qu’on y soit guidé par un autre, c’est de commencer par les beautés d’ici-bas, et de s’élever à la beauté suprême en passant successivement, pour ainsi dire, par tous les degrés de l’échelle. Ainsi, d’un seul beau corps à deux, de deux à tous les autres, des beaux corps aux belles occupations, des belles occupations aux belles sciences. Enfin, de science en science, on parvient à la science par excellence, qui n’est autre chose que la science du beau suprême… Supposons un homme qui contemplerait la beauté pure, simple, sans mélange, non chargée de chairs ni de couleurs humaines, ni de toutes les autres vanités périssables, la beauté divine en un mot, la beauté une et absolue. Penses-tu que ce lui serait une vie misérable d’avoir les regards tournés de ce côté, de contempler, de posséder un tel objet ? Ne crois-tu pas, au contraire, que cet homme, qui perçoit le beau par l’organe auquel le beau est perceptible, sera seul capable, ici-bas, d’engendrer, non pas des fantômes de vertu, puisqu’il ne s’attache pas à des fantômes, mais des vertus véritables, car c’est à la vérité qu’il s’attache ? Or, c’est à celui qui enfante et nourrit la véritable vertu qu’il appartient d’être aimé de Dieu ; et si quelque homme mérite d’être immortel, c’est lui entre tous. »

La fin du dialogue est consacrée presque tout entière au panégyrique de Socrate, au tableau de sa vie comme homme, comme citoyen, comme soldat, comme instituteur de la jeu-