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CHAPITRE XXX.

certains, il avait déjà vingt-sept ans quand il entendit pour la première fois Socrate. Il se préparait alors à disputer le prix de la tragédie aux fêtes de Bacchus. Sa vocation se décida ce jour-là même ; et l’art dramatique perdit le seul homme peut-être capable de relever la tragédie de sa décadence. Il brûla ses pièces, comme il avait déjà brûlé, dit-on, des essais épiques après les avoir comparés aux poëmes d’Homère. Il s’adonna désormais tout entier à la philosophie.

Socrate mourut en 399. Platon ne l’eut guère que trois ans pour son guide. Mais ces trois ans furent admirablement employés ; et Socrate put lire déjà quelques-uns des chefs-d’œuvres de son disciple. On prétend que le Phèdre lui arracha cette exclamation : « Que de choses ce jeune homme me fait dire, à quoi je n’ai jamais pensé ! » Ces choses étaient en effet, au-dessus des méditations habituelles de Socrate, mais non pas contraires à l’esprit de ses doctrines. Si l’anecdote est vraie, il faut voir dans les paroles de Socrate l’expression d’un étonnement naturel en présence de ces conceptions sublimes et de cet enthousiasme poétique, et nullement l’expression du moindre blâme. L’affection que Socrate témoigna à Platon jusqu’à son dernier jour est la preuve qu’il n’y eut jamais entre eux l’ombre d’un nuage.

Platon était digne, par la noblesse de son caractère, de l’affection d’un tel maître. Il fit des efforts surhumains pour sauver la vie à Socrate. Il essaya de le défendre jusque dans l’assemblée du peuple ; mais on ne le laissa pas achever son discours. Poursuivi lui-même par la haine des fanatiques, qui cherchait d’autres victimes, il fut forcé de quitter Athènes. Il se retira d’abord à Mégare, auprès de son ami Euclide ; puis il se mit à voyager. Il visita l’Italie, la Libye, l’Égypte ; il alla entendre tous les philosophes de quelque renom qui perpétuaient, dans diverses contrées, les traditions de Parménide, d’Héraclite, de Pythagore. À trois reprises différentes il se rendit en Sicile. Denys l’Ancien, et ensuite Denys le Jeune, après l’avoir accueilli avec empressement, ne le purent souffrir ni l’un ni l’autre dès qu’il se fut montré à eux avec toute sa franchise. Il fut victime de la perfidie et de la cruauté de Denys l’Ancien, qui le fit ven-