Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/395

Cette page a été validée par deux contributeurs.
383
XÉNOPHON.

grâce à Dieu, il a presque toujours su mesurer sa tâche à ses forces. Ses livres ne sont pas tous des chefs-d’œuvre, mais il n’y en a pas un seul qui soit une œuvre sans valeur. Aussi bien Xénophon est-il autre chose qu’un habile constructeur de phrases. C’est un homme d’expérience et de goût, qui rédige les leçons qu’il a entendues ; qui raconte les événements dont il a été témoin, ou qu’il a entendu raconter ; qui communique les observations qu’il a faites lui-même sur les chevaux, sur la chasse, sur les finances, sur la politique, sur mille sujets. C’est un polygraphe presque universel, qui écrit non pas pour faire parler de lui, ni pour un vil lucre, mais pour éclairer les hommes et les rendre meilleurs. Voilà ce qui fera vivre à jamais ses écrits, même les plus faibles, parce qu’il a laissé dans chacun d’eux quelque parcelle de son âme.


Traités philosophiques, dialogues, etc.


Le plus précieux et sans contredit le plus vivant des ouvrages de Xénophon, c’est le recueil des conversations de Socrate, ces Mémoires dont j’ai cité ailleurs un passage. Ce n’est pas que Xénophon se soit donné beaucoup de peine ni pour en disposer les parties dans un ordre satisfaisant, ni même pour reproduire dans toute leur vérité dramatique ces scènes où Socrate est le principal acteur. Il s’est contenté de choisir, parmi les conversations qu’il avait jadis rédigées, celles qui pouvaient le mieux servir à l’apologie des doctrines de son maître, et d’y ajouter quelques réflexions pour mieux faire ressortir le sens des actions ou des paroles de Socrate ; puis il a mis le tout dans un ordre tel quel, ou à peu près, et l’a partagé en quatre livres. On accuse Platon d’avoir donné à Socrate plus d’esprit qu’il n’en avait : Xénophon, au contraire, lui en a ôté quelque peu. Certes, le vrai Socrate avait plus de verve, plus de finesse et plus de grâce que celui des Mémoires. Mais cette image est fidèle, bien que sensiblement affaiblie : c’est toujours Socrate, c’est-à-dire le plus aimable et le meilleur des hommes. Xénophon a fait mieux que justifier Socrate, il l’a fait aimer.