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CHAPITRE XXVIII.

auteur de plaidoyers qu’on l’estimait chez les anciens :

« Ceux, dit Cicéron dans le Brutus, qui prennent Lysias pour modèle, prennent pour modèle un orateur judiciaire non pas certes bien ample ni bien majestueux, mais néanmoins fin et élégant, et assez solide pour se bien soutenir dans les causes du barreau. » Ailleurs Cicéron répète le même éloge, puis il ajoute : « On oserait presque déjà le nommer un orateur parfait. » Quintilien, après avoir aussi parlé de la finesse et de l’élégance de Lysias, ajoute judicieusement : « Si c’était assez pour l’orateur d’expliquer des faits, il ne faudrait chercher rien de plus parfait que Lysias, car il n’y a chez lui rien d’inutile, rien de superflu. Cependant il ressemble plus à une claire fontaine qu’à un grand fleuve. »

Les Athéniens, si jaloux de leur atticisme, reconnaissaient dans Lysias un des plus purs écrivains attiques ; et ce renom fit de lui, dès son vivant, un classique, un auteur qu’on étudiait pour la diction et pour le choix exquis des termes. Mais, il faut bien le dire, c’était là presque toute l’éloquence de Lysias. Rien de plus tiède et même d’aussi peu intéressant que ses discours, à moins qu’on y cherche des renseignements historiques ou des particularités grammaticales. Quelques narrations bien faites, où tout a un air de naturel et de vraisemblance, c’est beaucoup trop peu pour justifier ceux qui veulent voir dans Lysias autre chose qu’un habile artisan de style. Lysias n’a pas même cette étincelle de la flamme oratoire qu’on sent chez Andocide. Voyez, par exemple, son accusation contre Ératosthène, celui des Trente auquel il attribuait la mort de son frère. Il raconte les malheurs de Polémarque et les siens presque aussi froidement que si c’était l’histoire d’hommes des temps antiques ; et, quand il peint la sanglante oligarchie des Trente, il ne trouve pas un de ces accents énergiques qui décèlent une véritable émotion. Que s’il en est ainsi d’un discours que Lysias avait prononcé lui-même, on peut juger de ce que sont des plaidoyers composés pour d’autres ou des discours d’apparat. Son Oraison funèbre des guerriers d’Athènes morts en secourant les Corinthiens est insipide. Nous ne pouvons nous faire à