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ORATEURS DE LA FIN DU CINQUIÈME SIÈCLE AV. J. C.

secret à Thucydide, on y trouve en abondance, et dans le style et dans la diction, les défauts de l’école de Gorgias, les antithèses, les désinences symétriques, et toutes ces combinaisons de mots et de syllabes dont les sophistes étaient si fiers. Le moins mauvais des trois, le plaidoyer pour un Mitylénien accusé d’avoir assassiné en voyage un certain Hérode, en est lui-même infecté. Si ce discours est d’Antiphon, il faut ou que Thucydide nous ait trompés, ou que l’orateur ait été sujet à des chutes bien extraordinaires. Le Rhamnusien devait écrire pour ses clients des discours un peu plus pathétiques et un peu moins affectés que le plaidoyer pour Hélos de Mitylène. Peu nous importe d’ailleurs d’où viennent et ce discours et les deux autres, et surtout les trois tétralogies.


Andocide.


La vie d’Andocide forme avec celle d’Antiphon un frappant contraste. Il était né à Athènes en 468. Sa jeunesse fut livrée à de folles dissipations, son âge mûr à toute sorte d’intrigues, et la vieillesse même ne le rendit pas sage. Il acquit, par son talent, l’autorité que ne pouvaient lui donner ses vices. Il fut un des citoyens chargés de négocier, avec Lacédémone, la paix de trente ans qui précéda la guerre du Péloponnèse. En 415, il fut enveloppé avec Alcibiade dans une accusation de sacrilége, à propos de la mutilation des Hermès et de la profanation des mystères. Il s’en tira en accusant à son tour d’autres personnes qui n’avaient point été soupçonnées, et en profitant des privilèges accordés aux révélateurs. Il se mit ensuite à courir le monde, et il s’enrichit par toute sorte de moyens. Rentré à Athènes, il en fut chassé par les Trente, et il n’y revint qu’avec Thrasybule. On reprit plus tard contre lui la vieille accusation de sacrilége ; et, à soixante-huit ans, il lui fallut défendre sa vie de nouveau menacée. Il échappa cette fois encore ; mais il prit le parti de quitter sa patrie, où presque tous les gens de bien étaient ses ennemis, et il alla mourir en exil, sans doute dans l’île de Chypre, auprès de son ami le roi Évagoras, à qui il avait