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ORATEURS DE LA FIN DU CINQUIÈME SIÈCLE AV. J. C.

çon de dire. C’était un pur attique, et par la simplicité du tour et par la langue. Son éloquence, comme sa poésie, était un peu sèche, mais non sans vigueur ni sans éclat. Il avait laissé des discours écrits, et il méritait de figurer dans la liste des orateurs classiques ; mais les critiques alexandrins se sont souvenus sans doute des vices et des crimes de l’homme, et ils ont condamné l’orateur.


Antiphon.


Il restait même encore, après Périclès, quelques hommes de la vieille génération, que l’âge n’avait point désarmés, qui n’étaient ni des sophistes ni des ambitieux, et qui perpétuaient, à travers cette corruption politique, les antiques traditions de l’honneur et de la vertu. Tel semble avoir été Antiphon, le digne ami de Thucydide et de Socrate. Il était né en 480, à Rhamnunte en Attique. Comme Thucydide, il eut plusieurs fois des commandements militaires, durant la guerre du Péloponnèse. On croit même qu’il fut archonte en 418. Il était l’âme du parti aristocratique. En 411, il fut mis en accusation et condamné à mort, à l’âge de soixante-neuf ans, sous prétexte de trahison, parce qu’il avait essayé de conclure la paix avec les Lacédémoniens. Son cadavre fut jeté hors du territoire, sa maison rasée, ses enfants et sa postérité dégradés de leurs droits civiques. Le discours qu’Antiphon avait prononcé pour sa défense était, dit-on, un chef-d’œuvre ; mais ses juges étaient sourds, et l’avaient condamné d’avance.

Thucydide fait un beau portrait de cet homme éloquent et honnête : « Antiphon, dit-il, ne le cédait en vertu à aucun Athénien de son temps ; il excellait et à penser et à exprimer ses pensées. Sa réputation de sévérité avait contribué à le rendre suspect au peuple ; mais pour ceux qui étaient en procès, soit devant les tribunaux, soit devant le peuple lui-même, l’appui d’Antiphon seul valait mieux que tous les conseils[1]. » Antiphon était, comme on le voit, encore

  1. Thucydide, livre VIII, chapitre LXVIII