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SOPHISTES.

Elle ne promettait à Hercule ni relâche ni agrément aucun, mais des sueurs, des fatigues et des dangers sans nombre sur toutes les terres et sur toutes les mers. Mais la récompense de ces travaux, c’était de devenir un dieu, comme s’exprime Prodicus. C’est celle-là que finit par suivre Hercule. »


Polus.


Polus et la plupart des autres sophistes ont eu un mérite littéraire, c’est d’avoir excellé dans ces énumérations brillantes, dans ces descriptions qu’ils regardaient à tort comme des définitions véritables, mais qui donnaient une idée vive, sinon complète, d’un vice, d’une vertu, d’une science ou d’un art.

On pardonne volontiers à Polus d’avoir été le zélateur de Gorgias, quand on lit ce morceau sur la justice[1], qui n’a guère d’autre défaut que de vouloir être une démonstration en forme, et de faire entrer le terme défini lui-même dans ce que Polus donnait peut-être comme une définition : « La justice, chez l’homme, mérite à mon avis le nom de mère et de nourrice des autres vertus. Il n’est pas possible, sans elle, d’être ni tempérant, ni courageux, ni sensé. Car elle est une harmonie, une paix, le concert bien réglé de l’âme entière. On verra bien mieux encore sa puissance, si nous examinons la nature des autres qualités morales. Elles n’ont qu’une utilité partielle, et elles ne s’appliquent qu’à des individus, tandis que la justice s’exerce sur l’ensemble de tous les êtres et se fait sentir à une multitude d’hommes. Oui, c’est elle qui dirige, avec un souverain empire, l’univers même : elle y est providence, harmonie, justice enfin. Ainsi l’ont décrété des dieux bienfaisants. Dans la cité, elle se nomme, non sans raison, paix et bonnes lois. Dans la famille, elle est la concorde mutuelle du mari et de la femme, l’affection des serviteurs pour leurs maîtres, la sollicitude des maîtres pour leurs serviteurs. Dans le corps, elle est la qualité par excellence, celle qu’aiment le plus tous les êtres vivants ; à savoir, une santé

  1. Il est écrit en dialecte dorien.