Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
ANCIENNE ÉLOQUENCE POLITIQUE.

à sa libéralité, au souvenir du trophée de Marathon dressé par son père. Mais Périclès fut essentiellement un politique, un orateur. Le soldat n’était, chez lui, que le glorieux complément de l’homme d’État. Nous en savons assez sur l’éloquence de Périclès pour être en droit d’affirmer que jamais orateur ne réunit à un plus haut degré toutes les qualités qui constituent le génie oratoire, depuis les plus sublimes jusqu’aux plus humbles. Il avait la grandeur des pensées, l’éclat des images, la vigueur des expressions, la majesté de la tenue et du geste, une voix pénétrante et sympathique, une âme vive et passionnée mais maîtresse d’elle-même, enfin cette fécondité de ressources, cette présence d’esprit que rien ne peut mettre en défaut : « Quand je l’ai terrassé, disait un de ses adversaires, et que je le tiens sous moi, il s’écrie qu’il n’est pas vaincu, et le persuade à tout le monde. » Périclès fut pendant quarante ans, pour les Athéniens, non pas seulement le premier des orateurs, mais, si je l’ose dire, l’éloquence personnifiée. Les trois discours que Thucydide a mis dans sa bouche[1] sont dignes, en effet, d’avoir été prononcés par un tel homme, surtout l’oraison funèbre des guerriers athéniens, et je ne doute pas que l’historien n’ait cette fois fidèlement reproduit les principales idées de l’orateur. Il y a même quelques expressions qu’on croirait entendre sortir de la bouche de Périclès, et qu’assurément Thucydide n’a pas inventées. C’est bien Périclès qui a dû dire, par exemple : « La ville tout entière est l’école de la Grèce[2] ; » lui par qui Athènes était devenue le musée des arts et la capitale du monde antique. Mais ces discours si admirables ne sont que de courts résumés, malgré leur étendue ; et, s’ils ont gagné en force et en concision sous la main de Thucydide, que n’ont-ils pas perdu de cette ampleur, de cet éclat, surtout de cette élégance et de cette grâce sans afféterie, qui étaient les caractères de l’éloquence de Périclès ! Aussi n’hésité-je point à affirmer que, si Périclès n’avait pas négligé d’écrire,

  1. Thucydide, livre I, chapitre CXL et suivants ; livre II, chapitre XXXIV et suivants ; ibid., chapitre LX et suivants.
  2. Thucydide, livre II, chapitre XLI.