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CHAPITRE II.

ments de musique, entre autres la flûte, et des mélodies d’un caractère fortement prononcé, qui se sentaient du culte orgiastique des Corybantes et de la Grande Mère des dieux. La légende phrygienne rapportait l’invention de la flûte au satyre Marsyas, l’infortuné rival d’Apollon, et celle des nomes fameux à Marsyas encore, surtout à son disciple Olympus, et enfin au musicien Hyagnis. La Grèce reconnaissante adopta ces noms plus ou moins fabuleux. Jusque dans les bas siècles, Marsyas et Olympus demeurèrent les symboles de la musique même. Je ne pouvais les passer sous silence, dans cette revue des traditions relatives aux développements du génie grec avant Homère.


Aèdes épiques.


Au temps de la guerre de Troie, la poésie n’est plus exclusivement l’apanage des hommes du sanctuaire ; et les pays voisins du Parnasse, ni la Piérie, ne sont plus seuls en possession de fournir des aèdes au reste de la Grèce. L’inspiration poétique souffle partout. Point de contrée qui n’ait ses aèdes. Ils chantent encore les dieux, mais ils célèbrent surtout la gloire des héros : ils charment, par de merveilleux récits, les convives des rois, et ils préludent déjà aux splendides créations de l’épopée. Tous les esprits sont ouverts à ces délicates jouissances : les peuples n’y sont pas moins sensibles que les pasteurs des peuples eux-mêmes. L’aède n’est plus un dieu, ni le fils d’un dieu : il n’enfante plus les prodiges des aèdes d’autrefois ; mais il est encore un homme divin, et un respect universel environne le favori d’Apollon et des Muses. Ulysse massacre tous les poursuivants de Pénélope ; il fait subir le même sort à des domestiques infidèles ; mais il laisse la vie à l’aède qui avait chanté dans ces festins où se dévorait le patrimoine de l’absent. Agamemnon, en partant pour Troie, confie la garde de Clytemnestre à un aède dévoué ; et Égisthe ne vient à bout de corrompre l’épouse d’Agamemnon qu’en éloignant le préservateur de sa vertu. Après les rois et les héros, après les prêtres et les devins, interprètes des volontés divines, ou plutôt à côté d’eux, les aèdes dominent, de toute la hauteur du génie et de la pen-