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CHAPITRE XXII.

des gueux tragiques, en envoyant Dicéopolis chez Euripide, emprunter les haillons de Télèphe, pour émouvoir à l’aide de cette défroque le peuple athénien, qu’il voulait haranguer.

C’est la misogynie d’Euripide, et en général la morale relâchée de ses héros et de ses héroïnes, qu’Aristophane tourne en ridicule dans les Fêtes de Cérès. Les femmes sont réunies dans le sanctuaire de la déesse, dont l’entrée, à certains jours solennels, était interdite aux hommes. Elles méditent de se venger d’Euripide leur ennemi. Euripide, pour conjurer l’orage, prie le poëte Agathon de se déguiser en femme, costume sous lequel il ne courra pas risque d’être reconnu, vu son extérieur et ses manières efféminées, et d’aller au temple prendre sa défense. Sur le refus d’Agathon, Euripide y dépêche Mnésilochus, son propre beau-père. Mnésilochus est bientôt reconnu, et on lui fait un mauvais parti. Euripide essaye de le délivrer. Après divers stratagèmes inutiles, le misogyne conclut avec les femmes un traité de paix. Il s’engage à ne plus médire d’elles, et il obtient la liberté de Mnésilochus.

Cette pièce est pleine de parodies d’une foule de passages d’Euripide. Ces parodies, dont le sel n’a plus pour nous beaucoup de saveur, semblent n’avoir été que médiocrement du goût des Athéniens. Quoique le poëte eût tout mis en œuvre pour leur plaire, et quoique nulle de ses pièces n’ait plus de vivacité et d’entrain ; enfin malgré des priapées qui ne sont ni moins audacieuses ni répandues avec moins de profusion que dans Lysistrate, les Fêtes de Cérès n’eurent pas plus de succès, en 412, que les Nuées en 424. Aristophane les remania aussi. Nous ne savons pas même s’il parvint à les faire reparaître au théâtre ; mais nous savons que notre texte est la première version de la comédie.

Les Grenouilles, nouvel assaut livré à la gloire d’Euripide en 406 ou au plus tard en 405, trouvèrent plus de faveur, malgré l’engouement des Athéniens pour les œuvres du poëte mort naguère en Macédoine. Il faut dire qu’Aristophane s’y est maintenu à peu près dans les bornes permises ; que sa critique, pour être vive, n’est pas toujours injuste ; que le ton de la pièce est décent, et que l’admiration du poëte pour