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CHAPITRE XXII.

le salaire de la journée des juges. Or, Aime-Cléon, c’est-à-dire le peuple, est devenu presque fou à force de juger. Hait-Cléon, son fils, le fait enfermer et garder à vue par deux esclaves. Le vieillard cherche à s’évader, et appelle à son secours les juges ses amis, qui sont déguisés en guêpes et armés de l’aiguillon, comme insectes toujours prêts à piquer. Bataille entre les gardiens d’Aime-Cléon et les guêpes. Hait-Cléon intervient, et persuade à son père de rester à la maison, où il jugera tous les délits domestiques. Jugement du chien Labès, qui a volé dans la cuisine un fromage de Sicile. Par méprise, Aime-Cléon absout le coupable, et s’en désespère ; mais son fils le console, et le vieillard finit même par se transformer en un bon vivant, joyeux et égrillard.

L’Assemblée des Femmes est la critique des utopies de quelques philosophes qui avaient rêvé, avant Platon, une république idéale. C’est une satire toute morale, malgré l’immoralité de plusieurs scènes ; je veux dire que le poëte n’y fait nulle part de la politique militante. La date de l’ouvrage en explique la raison. Après la prise d’Athènes par Lysandre et l’établissement de la tyrannie des Trente, un décret interdit aux poëtes comiques de désigner par son nom aucun personnage vivant, et de faire usage de la parabase, c’est-à-dire de parler directement aux spectateurs par la bouche du coryphée. L’Assemblée des Femmes est de l’an 393, suivant une conjecture parfaitement probable. La loi des Trente n’était pas rapportée ; et on ne la rapporta point, on l’aggrava au contraire de jour en jour.

Les femmes d’Athènes, conduites par Praxagora, se déguisent en hommes, et s’introduisent dans l’assemblée du peuple. Fortes de leur nombre, elles font passer un décret qui dépouille les hommes du gouvernement, et établissent une constitution nouvelle, fondée sur la communauté absolue, et sur la suprématie du sexe féminin. De là une suite de scènes fort gaies, où le poëte dépeint la confusion produite par le mélange des biens, par la promiscuité des femmes, par l’égalité de droit en amour, concédée aux vieilles comme aux jeunes, aux laides comme aux jolies. La conclusion, qu’il ne tire pas,