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CHAPITRE XXII.

impudent encore que Cléon, et que les oracles destinent au gouvernement de la république. Le charcutier, aidé du chœur, triomphe de son rival. Cléon est chassé comme indigne, et dépouillé de tous ses honneurs. Peuple, miraculeusement rajeuni, ne veut plus entendre parler de charlatans et de démagogues. Le charcutier lui-même quitte désormais son caractère d’ignoble coquin, et sert consciencieusement son maître.

La Paix est de l’an 420. Il y avait onze ans que durait la guerre. On avait ri des Acharniens, mais on avait continué à se battre. La mort de Cléon, qui s’était bravement fait tuer à Amphipolis, était une occasion favorable pour reprendre le thème pacifique au théâtre ; et Aristophane ne manqua pas d’en profiter. Vigneron, le principal personnage de la comédie, monte au ciel sur un escarbot. Il n’y trouve que Mercure pour lui rendre raison des maux dont la Grèce est affligée. Mercure révèle à Vigneron que la Paix est prisonnière au fond d’une caverne, dont l’ouverture est obstruée par des monceaux de pierre. Vigneron, aidé de citoyens de tous les pays, délivre la déesse. La joie et les fêtes renaissent de toutes parts. Les armuriers seuls sont désespérés. Vigneron épouse l’Abondance, compagne de la Paix.

Lysistrate est un nouveau plaidoyer en faveur de la paix, et de huit ans environ postérieur à la comédie précédente. Voici la fable imaginée cette fois par le poëte. Lysistrate, on comme qui dirait Pacifique, femme d’un des principaux citoyens d’Athènes, veut forcer les Athéniens et les Lacédémoniens à s’entendre. Elle réunit les femmes de l’Attique et des principales villes grecques, et elle leur fait jurer de s’interdire toute accointance avec leurs maris, jusqu’à la conclusion de la paix. Cette armée nouvelle s’empare de la citadelle d’Athènes. Les hommes se trouvent bientôt dans une situation fort embarrassante. Lysistrate, de son côté, ne maintient pas sans peine la discipline parmi les femmes. On entre en pourparlers ; on conclut un accommodement. Sparte et Athènes négocient leur traité ; les portes de la citadelle s’ouvrent ; chaque mari retrouve sa femme, et tous les peuples grecs oublient, dans les festins et dans les danses, leurs longues et implacables inimitiés.