Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
321
ANCIENNE COMÉDIE.

ques ou autres vers longs. » Puis vient l’adresse directe au peuple. Le poëte parle de ses affaires personnelles, du but qu’il se propose dans ses ouvrages, des services qu’il a rendus à l’État, de ses rapports avec ses rivaux. Il dit ses griefs contre la cité, lance des boutades par-ci par-là à sa fantaisie. C’est ainsi que s’était transformée la licence de l’ancien chœur ambulant : « Il était naturel, remarque à ce propos Otfried Müller, dès que la parabase devint comme le centre de la comédie, qu’on mît, à la place des brocards contre les individus, quelque pensée importante, une pensée d’intérêt général, tandis que les plaisanteries à l’intention de tel ou tel spectateur pouvaient toujours, conformément aux traditions comiques, être placées dans la bouche du chœur, à n’importe quel endroit de la pièce, et sans aucun égard ni au sujet ni à la vraisemblance. » On trouve en effet, dans plusieurs pièces d’Aristophane, des sorties de ce genre ; et c’est bien en vain que certains commentateurs ont cherché à les expliquer autrement que par les caprices du poëte. La moindre réminiscence passagère suffit, comme dit très-bien l’illustre critique, pour déterminer de pareilles sorties.

Quoi qu’il en soit, c’est au talent poétique de Cratinus et d’Eupolis que la comédie dut son installation au théâtre de Bacchus sur le pied d’égalité avec la tragédie et le drame satyrique. L’archonte éponyme accorda enfin le chœur aux poëtes comiques, et il y eut, pour la comédie aussi, des concours, des prix solennellement décernés. On dit que Périclès obtint momentanément la suppression des représentations comiques, dont la licence choquait son goût délicat, et qui nuisaient, par la rude franchise des attaques, à ses desseins ambitieux. Mais le peuple ne put se passer longtemps des plaisirs accoutumés. La comédie rentra, au bout de trois ans, dans tous ses privilèges. Il paraît seulement qu’on imagina de refuser le chœur à tout poëte qui n’était pas âgé de quarante ans au moins selon les uns, de trente selon les autres. On ne voulait pas laisser cette arme terrible de la censure politique et morale à des mains inexpérimentées. Mais cette limite d’âge s’éludait sans trop de peine, à l’aide de prête-noms, ou, grâce à des magistrats complaisants. Au