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LA POÉSIE GRECQUE AVANT HOMÈRE.

déjà des poésies orphiques, et que de bons esprits croyaient à leur haute antiquité. Si l’auteur de la lettre sur le Monde est Aristote, Aristote lui-même est de ce nombre. Le fragment des Orphiques qu’il a transcrit est assez conforme, en effet, à ce que dut être la poésie religieuse des premiers temps. Ce sont de simples litanies, un même nom plusieurs fois répété, avec des épithètes et des qualifications diverses. « Zeus est le premier ; Zeus le foudroyant est le dernier. Zeus est le sommet ; Zeus est le milieu ; tout est né de Zeus. Zeus est la base de la terre et du ciel étoilé. Zeus est le principe mâle ; Zeus est une nymphe immortelle ; Zeus est le souffle de tout ce qui respire ; Zeus est la violence du feu infatigable ; Zeus est la racine de la mer ; Zeus est le soleil et la lune. Zeus est roi ; Zeus est maître de toutes choses ; il commande à la foudre : tous les êtres qu’il a fait disparaître du monde, du fond de son cœur sacré il les fait renaître à la lumière réjouissante, par sa puissante activité. »

Orphée n’est guère encore, au temps d’Ibycus, qu’un simple nom ; mais ce nom a bientôt son histoire, et une histoire toute pleine de merveilles. L’Orphée de la légende est le premier des chantres de l’époque héroïque, le compagnon des conquérants de la Toison d’or, le vainqueur des puissances infernales ; et, les poëtes enchérissant à l’envi, il devient à la fois et le type du génie poétique et le type poétique de l’amour fidèle et du malheur.

Ce qu’on peut admettre sans trop de scrupule, avec les plus savants critiques, c’est qu’un aède religieux, nommé Orphée, importa ou fonda dans la Grèce le culte mystique d’un dieu souterrain, qui s’empare des âmes des morts, qui est sans cesse à la chasse des vivants, et que cet hiérophante exposa ses doctrines particulières dans des télètes (τελεταί) ou chants d’initiation, mais sans laisser de parler aussi au vulgaire par des hymnes en l’honneur des dieux universellement reconnus.


Musée.


Le nom de Musée se rattachait, dans les traditions des Athéniens, aux initiations des mystères d’Éleusis, c’est-à-