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DÉCADENCE DE LA TRAGÉDIE.

des objets capables de faire une agréable impression sur les sens. Il excellait dans les portraits de la beauté féminine ; et ce thème inépuisable, il y puisait sans cesse et sans fin, à la grande satisfaction de ses auditeurs.

On peut bien dire qu’à partir de ce temps il n’y a plus de tragédie. Les concours subsistent encore, et chaque année on couronne plusieurs fois des auteurs tragiques, ou prétendus tels, au théâtre de Bacchus ; mais les œuvres de ces poëtes n’ont plus rien de commun avec l’art d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide. Chérémon avait remplacé le dialogue et l’intérêt dramatique par des récitations de tirades : en voici un, bientôt après, qui supprime, dans la tragédie, et les caractères, et les sentiments, et la poésie même, et qui transforme la tragédie en un plaidoyer. Ses personnages sont des avocats qui soutiennent des thèses les uns contre les autres, et avec toute la science, avec toutes les subtilités des plus consommés sophistes ; et ce poëte remporte le prix au théâtre ! Il se nommait Théodecte ; il était né à Phasélis, et il florissait vers le milieu du quatrième siècle. La scène d’une de ces pièces, intitulée Lyncée, était au tribunal d’Argos. Danaüs et Égyptus étaient les deux parties adverses ; et le premier finissait par être condamné à mort, grâce au talent déployé par Lyncée dans la défense de son père.

La tragédie était donc morte, et elle ne devait pas revivre. Les pastiches tragiques des lettrés alexandrins ou des écrivains des bas siècles n’étaient pas faits pour en ressusciter même l’ombre. Mais le génie dramatique ne s’était pas éteint avec elle : il s’appliquait à d’autres sujets, et il créait la grande comédie.