Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
CHAPITRE XXI.

n’était ni sans élégance ni sans grâce. Ion n’était pas seulement un poëte dramatique. Il avait écrit aussi des élégies, des chants lyriques, et même un ouvrage historique en prose ionienne, où il avait rassemblé de curieux détails sur les aventures et la vie publique et privée de plusieurs personnages du temps et de Sophocle lui-même.

Achéus était d’Érétrie. Il ne remporta qu’une fois le prix ; mais il passe pour avoir excellé dans le drame satyrique, sinon tout à fait dans la tragédie. On le regardait, après Eschyle, comme le plus parfait auteur en ce genre. Le style d’Achéus était parfois, dans ses tragédies, un peu obscur et forcé ; et ses combinaisons de fables mythologiques, à n’en juger que d’après les fragments mêmes de ses pièces, étaient bien autrement étranges encore, relativement à nos idées habituelles, que ces inventions tant reprochées à Euripide.

Agathon d’Athènes, que les Alexandrins n’ont point porté sur leur liste, semble avoir été pourtant un poëte dramatique d’une réelle valeur, et supérieur peut-être aux deux hommes que je viens de nommer. Il est probable que l’afféterie de son style lui aura nui dans l’esprit de ces critiques, bien plus préoccupés de l’expression de la pensée que de la force inventrice qui sait créer des œuvres nouvelles. Agathon débuta jeune au théâtre, en l’an 416 ; et il mourut environ l’an 400, dans la force de l’âge, en Macédoine. Il avait passé à la cour du roi Archélaüs d’assez longues années, car il s’y était trouvé en même temps qu’Euripide. Le dialogue de Platon intitulé le Banquet n’est autre chose qu’une conversation qui s’était tenue, selon le philosophe, dans un souper donné par Agathon à ses amis, le lendemain du jour où Agathon avait sacrifié aux dieux pour leur rendre grâces de sa première victoire dramatique, qui était aussi l’honneur décerné à sa première tragédie. Platon fait parfaitement connaître et l’élégance efféminée des mœurs d’Agathon, et la nature sophistique et raffinée de son esprit. Il lui prête un discours fort spirituel, mais plein d’ornements recherchés et d’antithèses. Agathon semble pourtant n’avoir pas manqué, malgré ses défauts, d’habileté à combiner des éléments dramatiques, et à exciter l’intérêt par la nouveauté des tableaux et par le