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CHAPITRE XX. EURIPIDE.

combattu en héros, et qui avait fourni à Sophocle la première occasion de déployer ses talents.

Aristophane reproche trop souvent à Euripide l’humilité de son origine, pour que les biographes aient osé sérieusement transformer en eupatride le fils de la marchande de légumes, comme ils ont anobli peut-être le fils du forgeron de Colone. On éleva d’abord Euripide pour en faire un athlète, et il réussit dans les exercices du corps. Mais l’activité de son esprit ne tarda pas à l’entraîner vers de plus nobles études. Le mépris qu’il professa depuis pour les athlètes, la pire vengeance du monde, selon lui[1], et le plus détestable des fléaux où la Grèce fût en proie, semble prouver qu’il ne conservait pas une bien vive reconnaissance des leçons de ses premiers maîtres. Il s’adonna à la peinture, puis à l’art oratoire, puis à la philosophie. Prodicus et Anaxagore eurent une influence décisive sur la tournure de ses idées, et furent pour beaucoup dans cette subtilité de sophiste et dans cette rhétorique un peu vide, qui déparent trop souvent ses œuvres. Socrate, qui fut son ami, ne put guère le corriger de ses défauts poétiques ; peut-être même contribua-t-il pour sa part à les invétérer, en discutant avec lui d’épineux problèmes, et en lui dévoilant les secrets de l’argumentation ironique.

Euripide débuta dès l’an 452 dans la carrière ; mais ce n’est que dix ans plus tard qu’il remporta pour la première fois le prix des tragédies nouvelles. Il n’avait obtenu jusque-là que la seconde ou la troisième place. En général, il ne fut pas très-heureux, en dépit de ses efforts, ou peut-être à cause de ses efforts mêmes : il n’eut que cinq fois l’honneur de vaincre ses compétiteurs, malgré le grand nombre de pièces qu’il avait présentées au concours, quatre-vingt-douze selon les uns, soixante-quinze selon d’autres. Il est vrai qu’en 452, et même quelques années plus tard, l’archonte éponyme exigeait encore la tétralogie. Par conséquent il faut compter à Euripide plus de cinq pièces couronnées. Disons aussi qu’il a pu obtenir fréquemment la seconde place,

  1. Euripide, Fragments de l’Autolycus