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SOPHOCLE.

de cette terre d’Attique dont le poëte chantait les vertus. Je ne saurais mieux finir qu’en citant cette page, écrite par une main nonagénaire :

« Étranger, te voici dans le plus délicieux séjour de cette contrée riche en coursiers ; c’est Colone aux blanches maisons. Là gémissent, dans de verdoyantes vallées, une foule de rossignols à la voix mélodieuse, cachés sous le sombre lierre, sous l’épaisse feuillée de mille arbres chargés de fruits divers, où ne pénètrent jamais les rayons du soleil, où ne soufflent jamais les vents glacés. Là se promène sans cesse le joyeux Bacchus, escorté des nymphes ses nourrices.

« Sans cesse la rosée du ciel fait fleurir de jour en jour et le narcisse au calice gracieux, antique couronne des deux grandes déesses[1], et le safran à la couleur dorée. Les sources du Céphise ne tarissent jamais, et fournissent des flots en abondance à la rivière qui serpente à travers la plaine. Sans cesse et chaque jour ses eaux limpides fécondent en passant le vaste sein de la terre. Ni les chœurs des Muses ne dédaignent cette contrée, ni Vénus aux rênes d’or.

« Il y a aussi un arbre tel qu’il n’en pousse, dit-on, ni dans la terre d’Asie, ni dans la grande île dorienne de Pélops[2] ; un arbre que n’a pas planté une main mortelle ; qui croît sans culture ; devant lequel reculent les lances ennemies[3] ; qui nulle part ne verdoie plus vigoureux qu’en cette contrée : c’est l’olivier au pâle feuillage, le nourricier de l’enfance[4]. Jamais chef ennemi, ni jeune ni vieux[5], ne l’extirpera du sol avec sa main dévastatrice ; car toujours sont fixés sur lui les regards protecteurs de Jupiter Morius[6] et de Minerve aux yeux brillants.

« J’ai à dire encore un autre mérite de cette métropole, magnifique don d’un dieu puissant, et la plus noble gloire de notre pays : c’est l’art de dompter les coursiers, et l’empire

  1. Cérès et Proserpine.
  2. Le Péloponnèse.
  3. Les Lacédémoniens, pendant la guerre du Péloponnèse, n’avaient pas osé détruire en Attique les oliviers sacrés.
  4. Dans les exercices du gymnase, les enfants se frottaient d’huile.
  5. Allusion à Xerxès, qui était jeune, et à Archidamus, qui était vieux.
  6. C’est le nom qu’on donnait à Jupiter protecteur des oliviers sacrés.