Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
289
SOPHOCLE.

avec plus de vérité peut-être, que Sophile son père était forgeron. Eupatride ou fils d’artisan, peu nous importe. Il reçut une éducation brillante, et il révéla de bonne heure ses heureuses dispositions naturelles. Après la bataille de Salamine, à l’âge de quinze ans, de dix-huit au plus, il fut choisi pour conduire le chœur des adolescents qui chantèrent l’hymne de victoire, et qui dansèrent autour des trophées formés des dépouilles de l’ennemi. Il n’était pas moins remarquable par sa beauté que par la précocité de ses talents. Il est probable que Sophocle s’exerça, dès sa tendre jeunesse, dans divers genres de poésie, surtout dans le genre lyrique, et que les péans et autres poëmes lyriques qu’on avait de lui étaient quelques-uns des essais par lesquels il avait préludé à de plus vastes compositions. C’est à l’âge de vingt-huit ans, entre les années 470 et 467, qu’il reçut pour la première fois un chœur de l’archonte éponyme. Il débuta par un coup de maître, car il l’emporta sur Eschyle même, non pas au jugement d’une populace légère ou de juges ignorants ou passionnés, mais d’après la sentence portée par des hommes qui ne pouvaient avoir à cœur que la vérité et la justice. Plutarque raconte, dans la Vie de Cimon, que les juges du concours n’avaient point été tirés au sort selon l’ancien usage. Cimon, qui venait de rapporter à Athènes les ossements de Thésée, ayant paru dans le théâtre avec les autres généraux, l’archonte Aphepsion les avait retenus, leur avait fait prêter le serment des juges, et c’était Cimon et ses collègues qui avaient préféré le jeune homme à son illustre compétiteur. On ignore jusqu’aux titres des pièces qui furent jouées ce jour-là. Sophocle, durant sa longue carrière dramatique, triompha vingt fois dans les concours. Quand il ne fut pas vainqueur, il eut toujours le second rang, jamais le troisième. Après la représentation de l’Antigone, l’estime dont il jouissait le fit choisir par ses concitoyens pour un des stratèges ou généraux qui commandèrent, avec Périclès, l’expédition contre Samos. Il ne paraît pas que Sophocle ait déployé, durant ce commandement, de grands talents militaires. Mais une armée qui avait Périclès à sa tête pouvait se consoler de ce que l’auteur d’Antigone n’était à la guerre,