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CHAPITRE II.

antéhomériques l’invention d’autres péans qui n’avaient de religieux que leur nom. Dans les poëmes d’Homère, tout chant d’allégresse est dit péan, et non point seulement l’hymne adressé au dieu qui guérit. Ainsi le péan qu’entonne Achille après sa victoire sur Hector, et qu’il invite ses compagnons à chanter avec lui : « Nous avons gagné une grande gloire ; nous avons tué le divin Hector, à qui les Troyens, dans leur ville, adressaient des prières comme à un dieu[1] » ! Par une extension d’idée aisée à concevoir chez une nation belliqueuse, le chant de guerre reçut aussi le nom de péan. C’est un péan, suivant Eschyle, que chantèrent les Grecs à Salamine, avant d’engager le combat.


L’Hyménée.


Ce n’est point par conjecture seulement que j’admets la haute antiquité d’une autre sorte de chants, ceux par lesquels on solennisait les fêtes du mariage. Homère, décrivant les sujets représentés sur le bouclier d’Achille : « Dans l’une des deux villes, il y avait, dit-il, des noces et des festins. Des nouvelles mariées sortaient de leur demeure, conduites par la ville à la lumière des flambeaux. Un bruyant hyménée retentissait ; de jeunes danseurs formaient des rondes, et au milieu d’eux les flûtes, les phorminx, faisaient entendre leurs sons. Les femmes s’émerveillaient, debout chacune devant sa porte[2]. » L’expression d’Homère, un bruyant hyménée retentissait, se trouve textuellement reproduite dans un passage analogue de la description du bouclier d’Hercule, attribuée à Hésiode. Un chant caractérisé de la sorte ne pouvait être quelque chose de bien compliqué ; et je ne crois pas qu’il y ait une excessive témérité à dire que ce qui le composait principalement, c’étaient quelques exclamations répétées sans fin ; par exemple, ô hyménée hymen ! hymen ô hyménée ! et encore, io hymen ! hyménée io ! io hymen hyménée ! Je n’en ai pas de preuve, mais je suis sûr que Catulle, qui me fournit

  1. Iliade, chant XII, vers 393, 394.
  2. Ibid. chant XVIII, vers 490 et suivants.