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ESCHYLE.

lantes. Une troupe de vieillards, de femmes et d’enfants, vêtus d’habits de fête, les accompagnent en chantant jusqu’à la demeure qui leur est destinée.

Eschyle avait soixante-cinq ans, en 460, quand l’Orestie parut au théâtre avec un drame satyrique intitulé Protée, tiré probablement du chant de l’Odyssée où Homère a conté les aventures de Ménélas en Égypte, et qui tenait par conséquent à cette trilogie, comme le Sphinx tenait à celle dont faisaient partie les Sept contre Thèbes. Eschyle remporta le prix sur ses compétiteurs. C’est en l’année même où l’on faisait ainsi justice à son génie, ou du moins très-peu de temps après, qu’il quitta l’Attique et se rendit en Sicile. Nouvelle preuve qu’il ne dut pas quitter sa patrie pour une misérable contrariété littéraire.

Le lexicographe Pollux nous a conservé un souvenir de la représentation de l’Orestie, ou du moins une de ces traditions qui, sous leur exagération manifeste, renferment d’assurés témoignages de l’impression profonde produite par certains faits sur l’imagination des peuples. Pollux conte donc qu’à l’instant où les Furies apparurent, avec leurs masques où la pâleur était peinte, avec leurs torches à la main et leurs serpents entrelacés sur la tête, tous les spectateurs furent saisis ; mais quand ces monstres, vêtus de noir, formèrent leurs danses infernales et poussèrent leurs cris sauvages après la fuite d’Oreste, l’effroi glaça toutes les âmes : des femmes avortèrent, des enfants expirèrent dans les convulsions.

Les Suppliantes sont la plus simple de toutes les tragédies d’Eschyle, et peut-être de toutes les pièces de théâtre connues. Il n’y faut voir qu’une sorte d’introduction à une action plus vive et plus dramatique, qu’avait dû fournir la légende des Danaïdes. Seule, comme nous la possédons, cette pièce est encore un merveilleux cantique en l’honneur de l’hospitalité.

Les cinquante filles de Danaüs, pour ne pas épouser les fils d’Egyptus leur oncle, quittent l’Égypte avec leur père, et vont chercher un refuge en Argolide. Elles se font reconnaître au roi Pélasgus comme des rejetons de la race d’Io, et le peuple argien les prend sous sa protection. Les fils d’Égyp-