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CHAPITRE XVIII.

qui les envoie, afin de détourner de funestes présages. Le frère et la sœur, après s’être reconnus, méditent ensemble les moyens de se défaire de leurs communs ennemis. Oreste se donnera pour un étranger, pour un homme du pays où avait été élevé le fils d’Agamemnon. Lui-même il apportera la nouvelle de sa propre mort. On le recevra dans le palais, et les assassins périront à leur tour. Tout s’exécute en effet selon le plan convenu. Égisthe et Clytemnestre reçoivent le juste salaire de leur forfait. Oreste fait déployer devant le peuple d’Argos le voile où les meurtriers avaient enveloppé son père pour l’égorger sans qu’il pût se défendre. Mais tout à coup il sent que sa raison s’égare, et il annonce qu’il va se réfugier à Delphes ; auprès du dieu qui a commandé le parricide.

Au début des Euménides, le poëte nous transporte devant le temple de Delphes. La Pythie s’apprête à y entrer, pour se placer sur le trépied prophétique. Elle s’arrête sur le seuil du temple, saisie d’une horreur profonde. Elle a vu Oreste, les mains dégoûtantes de sang, et, autour de lui, les Furies qui dormaient accablées par la fatigue. Oreste sort, conduit par Apollon, et va chercher un nouvel asile, où les Furies puissent le laisser en repos. L’ombre de Clytemnestre paraît, et tire les Furies de leur sommeil. Rien ne saurait rendre ni le terrible réveil de ces êtres affreux, ni l’accent infernal de leurs chants. Apollon les chasse de son sanctuaire. Alors la scène change, et nous voyons le temple de Minerve et la colline de Mars. Nous sommes à Athènes. Oreste tient embrassée la statue de la déesse. Mais les Furies sont déjà là, et réclament leur proie. Pallas accourt, à la prière du suppliant ; elle se charge du rôle d’arbitre entre les deux parties. Elle s’entoure de juges équitables ; la cause est débattue, et le nombre des suffrages est égal des deux côtés. Pallas, qui n’a pas encore donné le sien, décide le procès en faveur d’Oreste. Les Furies ne contiennent pas leur colère ; mais elles se calment peu à peu, persuadées par l’éloquence de Pallas. Elles promettent de bénir le sol de l’Attique, où Pallas leur offre un sanctuaire. Elles se montrent dignes du nom nouveau qu’elles vont porter, les Euménides, c’est-à-dire les bienveil-