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CHAPITRE XVIII.

qui se sont percés l’un l’autre, voilà tous les événements de la tragédie. Mais ce qui la remplit d’un bout à l’autre, c’est la terreur et la pitié, ainsi que parlaient les anciens critiques ; c’est le destin de cette ville que menacent l’incendie et le pillage ; c’est surtout la vie, le souffle belliqueux ; c’est l’esprit de Mars, suivant l’expression d’Aristophane.

Les Sept contre Thèbes faisaient partie d’une tétralogie ainsi composée : Laïus, Œdipe, les Sept, tragédies ; le Sphinx, drame satyrique. Eschyle avait été vainqueur ; et ses deux rivaux étaient Aristias et Polyphradmon, inconnus aujourd’hui. Voilà ce que nous apprend une didascalie récemment découverte. Elle nous donne aussi la date de la représentation. C’était sous l’archontat des Théagénidès ; dans la 78e olympiade, c’est-à-dire en l’an 468 ayant notre ère. Les trois tragédies, comme on peut le voir, se suivaient l’une l’autre, et le drame satyrique, sans en être la conclusion, était du moins tiré de la même légende que tout le reste de la tétralogie.

L’Orestie, ou la trilogie formée d’Agamemnon, des Choéphores et des Euménides, est, avec l’Iliade et l’Odyssée, la plus grande œuvre poétique que nous ait léguée l’antiquité. Il n’y a rien, ni dans le théâtre grec, ni dans aucun théâtre, qu’on puisse mettre en parallèle avec ce gigantesque drame, ni pour la grandeur de la conception, ni pour cette vigueur de ton qui s’allie sans effort avec la naïveté et la grâce. Sans doute, pris à part, considéré uniquement en soi-même, aucun des trois poëmes de la trilogie n’est un tout complet, et qui satisfasse véritablement l’esprit ; et rien n’est plus fondé peut-être que quelques-uns des reproches exprimés par la critique ignorante et à courte vue : l’exposition de l’Agamemnon est trop prolongée ; celle des Choéphores l’est trop peu, et elle manque de clarté ; et tout est motivé bien vaguement dans les Euménides. Mais les trois pièces ont entre elles un lien indissoluble. C’est de suite qu’il les faut lire, comme jadis elles étaient représentées : l’une amène l’autre, et la prépare, et l’explique ; et l’exposition immense de l’Agamemnon n’a que l’étendue proportionnée à l’immensité de l’action triple et une qui se développe dans l’Orestie.