Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
CHAPITRE XVII.

légende de Bacchus. Parmi les titres des pièces que lui attribuent les anciens, il y a une Alceste. Ce qui rend le fait assez vraisemblable, c’est que les poëtes dithyrambiques eux-mêmes n’avaient pas toujours été fidèles à la tradition de leurs devanciers. Ceux de Sicyone, dit-on, fatigués de répéter sans cesse ni fin les mêmes récits, avaient ajouté aux louanges de Bacchus celles de quelques autres dieux, ou de héros des vieux âges : ils finirent même par oublier Bacchus, dans le dithyrambe, dans le chant bachique, au profit d’Adraste, leur héros national. La première fois qu’il en fut ainsi, les assistants étonnés s’écrièrent : « Quel rapport ceci a-t-il avec Bacchus ? » mot qui passa depuis en proverbe. Il n’est pas étonnant que Thespis, une fois en possession de l’art merveilleux de captiver les hommes, ait essayé de s’en servir de diverses façons, et indépendamment de toutes les circonstances où l’avait découvert son génie. Peu lui importait, pourvu qu’il intéressât les spectateurs au dévouement de la femme d’Admète, que tel censeur morose rappelât le chœur à ses devoirs habituels, et murmurât le proverbe sicyonien : « Quel rapport ceci a-t-il avec Bacchus ? »

Il ne reste rien des tragédies de Thespis. Les vers qu’en citent quelques anciens n’ont aucun caractère d’authenticité. Nous ne savons pas même si Thespis était un écrivain d’un vrai talent. Aristophane nous apprend que la partie chorégraphique des compositions du vieux poëte était fort remarquable ; et il y avait encore, au siècle de Périclès, des amateurs qui préféraient à des chœurs plus modernes les danses surannées de Thespis.


Appareil scénique.


Tout le monde a répété, d’après Horace, l’historiette du tombereau où Thespis promenait ses acteurs : « Thespis, dit-on, inventa la muse tragique, genre auparavant inconnu ; et il porta sur des chariots ses poëmes, que chantaient et jouaient des hommes au visage barbouillé de lie[1]. » Pourtant,

  1. Horace, Art poétique, vers 75 et suivants.