Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
ORIGINES DU THÉÂTRE GREC.

Horace, qu’un bouc était le prix de celui qui avait le mieux chanté. Le prix du dithyrambe était un bœuf, qu’on décernait, non pas au meilleur choreute, mais au poëte qui avait composé le chant, la musique et la danse, et qui en avait dirigé l’exécution. Virgile pourtant aurait dû faire réfléchir Boileau, et lui faire comprendre la méprise d’Horace. Il s’agit quelque part, dans les Géorgiques, de la victime de Bacchus ; et c’est au sacrifice du bouc que Virgile rapporte l’origine des représentations dramatiques, et de ces concours où les enfants de Thésée, comme il dit, proposaient des prix aux talents. Mais les critiques n’ont pas même fait attention à cet important témoignage.


Innovations de Thespis.


Voici quelles étaient les innovations poétiques dont s’était scandalisé le vieux Solon. Thespis avait imaginé de prendre pour sujet de poëme une portion bornée de la légende de Bacchus, l’histoire de Penthée par exemple, et de la mettre non plus en récit, mais en action. Le chœur chantait et dansait encore, mais non plus d’une façon continue. De temps en temps un personnage s’en détachait, et parlait seul, soit pour répondre aux paroles du chœur, soit pour raconter ses pensées, soit pour provoquer le chœur à de nouveaux chants. Thespis n’employait dans ses tragédies, au dire des anciens, qu’un seul acteur ; un seul à la fois, bien entendu, mais non pas toujours le même. Les Suppliantes d’Eschyle peuvent donner une idée du système dramatique de Thespis, car, saut un seul dialogue, il n’y a jamais qu’un seul acteur en scène avec les filles de Danaüs. Au reste, la partie purement lyrique, dans les compositions de Thespis, était de beaucoup la plus considérable. Le sujet dramatique, l’épisode, comme on disait, avait très-peu de développement ; et l’acteur, ύποχρίτης, le répondant, suivant l’acception du terme grec, s’adressait au chœur en vers dont la forme et le caractère tenaient de bien près encore aux mètres lyriques. Thespis se servait, dans le dialogue, du tétramètre trochaïque, et non de l’ïambe.

Il paraît que Thespis avait poussé l’audace jusqu’à se passer quelquefois de prendre ses sujets de tragédies dans la