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HÉRODOTE. HIPPOCRATE

dant de longues années, particulièrement dans les villes de la Thessalie, Larisse, Mélibée et autres, et dans l’île de Thasos. Les descriptions si vives et si vraies qu’il donne de plusieurs contrées lointaines prouvent aussi qu’il n’avait pas borné ses voyages aux îles et au continent de la Grèce. Il avait parcouru une grande partie la haute Asie, et visité en détail les provinces septentrionales de l’Asie Mineure. « Un médecin, dit Homère, équivaut à un grand nombre d’hommes. » Tous les peuples antiques avaient pour les médecins une vénération profonde. Encore aujourd’hui, dans le haut Orient, il n’est pas de plus noble titre que celui de médecin, ni de meilleur passe-port, ni de recommandation plus efficace. Hippocrate revint à Cos dans sa vieillesse, et y fonda une école de médecins, dont la renommée se conserva longtemps après sa mort. Il prolongea sa vie jusqu’à un grand âge ; jusqu’à quatre-vingt-cinq ans, selon les uns ; jusqu’à quatre-vingt-dix, selon les autres ; selon d’autres encore, jusqu’à cent quatre ou même cent neuf ans. Son biographe anonyme dit qu’il mourut non point dans sa ville natale, mais près de Larisse, dans la Thessalie.

Quelques-uns ont écrit qu’Hippocrate avait délivré Athènes de la peste, pendant la guerre du Péloponnèse, et qu’il avait refusé de se rendre auprès d’Artaxerxès pour secourir les barbares décimés par le fléau. Mais il est invraisemblable qu’à l’époque de la peste, Hippocrate, âgé d’une trentaine d’années, ait joui de la réputation qu’on lui prête, et qu’Artaxerxès ait eu l’idée de députer à ce jeune homme une ambassade et des présents. Quant à la ville d’Athènes, il est douteux qu’Hippocrate y ait même jamais mis le pied. Il ne la nomme nulle part dans ses ouvrages ; et Galien dit que Smyrne, que le plus petit quartier de Rome renfermait plus d’habitants que la plus grande ville où Hippocrate eût jamais exercé son art. Thucydide, qui fait avec tant de détails le lugubre tableau des désastres de la peste dans Athènes, ne nomme point Hippocrate, et nous apprend que tous les remèdes furent impuissants et que les médecins furent les premières victimes du fléau.