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HÉRODOTE. HIPPOCRATE

descendant de ces Béotiens qui avaient trahi la cause commune dans les guerres Médiques, ou des sceptiques raffinés, qui ne reconnaissaient d’autres réalités que celles qu’ils avaient sous les yeux, et qui reléguaient parmi les fables ; tous les faits tant soit peu étranges ou non conformes aux choses accoutumées. Les voyageurs modernes ont complètement vengé le caractère méconnu de l’antique voyageur. Les découvertes de l’archéologie, monuments déterrés dans les ruines des villes d’Orient, écritures mystérieuses déchiffrées, témoignages contemporains des plus reculées époques de l’histoire, démontrent chaque jour de plus en plus qu’Hérodote n’avait pas mis moins de soins à s’informer des annales des peuples, qu’à visiter leurs pays et à observer leurs mœurs. Ainsi Thucydide lui-même s’est trompé, si c’est Hérodote qu’on doit entendre, quand l’auteur de la Guerre du Péloponnèse parle quelque part d’historiens dont les écrits n’ont d’autre but que de flatter un instant l’oreille.

La première composition vraiment digne du nom d’histoire n’est donc pas seulement un chef-d’œuvre historique, elle est une œuvre unique en son genre ; sinon la plus parfaite de toutes, du moins la plus étonnante, la plus originale, celle que nul ne pouvait être tenté de prendre pour modèle, car tout y est de génie, et les imitateurs ne saisissent jamais que la manière, les traits d’école, le convenu ; elle est la seule où coulent à pleins canaux toutes les sources de l’intérêt. Figurez-vous une merveille impossible, la relation de Marco Polo, par exemple, qui ne ferait qu’un avec la chronique de Joinville et les contes des Mille et une Nuits, et tout cela enfermé dans le plan d’une Odyssée et écrit dans la langue d’Homère : cette merveille impossible, elle existe, et c’est le livre d’Hérodote.


Vie d’Hippocrate.


Le droit d’Hippocrate à figurer à côté d’Hérodote dans un ouvrage qui n’a rien de commun avec les études médicales, c’est, avant tout, sa qualité de prosateur ionien. Mais le père de la vraie médecine nous appartient par d’autres côtés