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CHAPITRE XV.

server l’ordre et l’harmonie de l’univers pour se persuader que ce n’est point l’œuvre du hasard ni des hommes. Il faut, selon lui, vénérer les dieux comme les auteurs de tous les biens dont les mortels jouissent pendant leur vie. Il faut aussi avoir l’âme pure de tout vice, car les dieux ne se réjouissent pas des sacrifices somptueux des méchants, mais des actions justes et honnêtes des hommes vertueux. Après avoir exhorté ses concitoyens à la pratique de la piété et de la justice, il leur défend de jamais entretenir des haines implacables, et il ordonne qu’on traite son ennemi comme si l’on devait passer envers lui du ressentiment à l’amitié : le contrevenant devait être considéré comme un homme sauvage et sans culture. Le législateur invitait les magistrats à n’être ni absolus ni arrogants, et à ne se laisser guider dans leurs jugements ni par la haine ni par l’affection. Enfin chacune des lois de Zaleucus renferme beaucoup de dispositions parfaitement sages. »

Stobée donne aussi le préambule de Zaleucus, mais avec quelques variantes, au reste peu considérables. Ces variantes tiennent à ce que Stobée cite textuellement, ou du moins en style direct, les prescriptions de Zaleucus, tandis que Diodore en fait seulement l’analyse. Mais je dois dire que certains critiques contestent, pour des raisons plus ou moins spécieuses, l’existence même de Zaleucus, par conséquent l’authenticité et l’antiquité du code de lois que lui attribuaient les Locriens Épizéphyriens.


Phéréryde de Scyros.


Quoi qu’il en soit, le premier livre en prose grecque dont il nous reste des fragments authentiques fut écrit par Phérécyde de Scyros, contemporain des sept sages. C’est cette Théogonie dont j’ai dit un mot à propos des théologiens orphiques. Mais à peine peut-on compter Phérécyde au nombre des prosateurs. Il a le ton inspiré d’un poëte ; il parle la langue d’Homère ; on dirait que les mots, sous sa main, sont tentés à chaque instant de se construire en hexamètres. Par les idées, il appartient à l’école orphique : il ne lui a manqué que le