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PREMIÈRES COMPOSITIONS EN PROSE.


Législateurs.


Il est probable. toutefois que, si nous possédions l’œuvre entier de quelqu’un des législateurs de la haute antiquité, nous aurions à citer plus d’une page de prose, digne, et par l’élévation des pensées et par la mâle noblesse du style, de figurer à côté des productions les plus admirées de l’antique poésie. Ces législateurs ne se bornaient pas à régler les institutions politiques et civiles, et à fixer des peines pour les délits et les crimes. On n’avait point encore fait le départ de ce qui est d’équité pure ou de droit écrit, de ce qui appartient à la conscience ou de ce qui est du domaine de la loi les pensées du citoyen rassortissaient, comme ses actes, au gouvernement de l’État. Le législateur était avant tout un moraliste et un sage, un interprète de la raison divine : il donnait des préceptes aux hommes, en même temps qu’il leur imposait des décrets. Quelques-uns se prétendaient même, témoin Lycurgue, des délégués directs de la divinité. Les paroles qui tombaient de cette hauteur ne pouvaient manquer d’avoir cette sérénité majestueuse, cette sobre élégance, cette force et cette précision, sans lesquelles une leçon de morale, même excellente en soi, court la chance de ne point pénétrer dans les âmes.


Zaleucus.


J’en juge ainsi non pas seulement sur de plausibles conjectures, mais d’après ce que l’on conte de Zaleucus, législateur des Locriens Epizéphyriens. Zaleucus, dont Diodore de Sicile fait un disciple de Pythagore, n’eut pas plus que Numa de relations avec le philosophe de Samos : il est antérieur à Pythagore de plusieurs générations, et il vivait dans la première moitié du septième siècle. Or, dès ce temps, un homme au moins mérita le nom de prosateur ; et cet homme, c’est Zaleucus. En voici la preuve, fournie par Diodore : « Zaleucus, dit l’historien, établit, au commencement du préambule de ses lois, que les citoyens doivent être convaincus d’abord qu’il existe des dieux, et qu’il suffit d’ob-