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CHAPITRE XIV.

sur un philosophe comme Phérécyde prouve que, dès le commencement du sixième siècle, la secte était parvenue déjà à trouver de savants et estimés auxiliaires. Quant aux orphiques proprement dits, il y en a plusieurs que l’école pythagoricienne revendique pour siens, et qui paraissent avoir été tout à la fois et des philosophes pythagoriciens et des mystiques de la secte d’Orphée. Tel est, par exemple, un certain Brontinus, auteur d’un poëme intitulé le Manteau et le Filet, expressions symboliques qui désignaient, dit-on, la création ou la cosmogonie. Mais il y a deux autres poëtes, Cercops et Onomacritus, qui ne sont jamais appelés que du nom d’orphiques. Cercops avait composé un grand poëme en vingt-quatre chants, les Légendes sacrées, où il développait le système entier de la théologie dont on attribuait les principes à Orphée. Onomacritus, le plus célèbre des orphiques, avait vécu dans l’intimité de Pisistrate et de ses fils. Il avait fait, à la prière des Pisistratides, une collection des oracles de Musée, et on l’accuse de l’avoir remplie de ses propres interpolations. Il avait écrit des chants pour les initiations au culte mystique de Bacchus : il rattachait, dans ces poëmes, la légende des Titans à celle de Dionysus, et il représentait le jeune dieu en butte à la haine et aux embûches des fils de la Terre.

Les débris des œuvres de l’école orphique gisent çà et là, dispersés au travers du recueil qui porte le nom d’Orphée. La plupart des pièces qui forment ce recueil appartiennent incontestablement à une époque beaucoup plus récente ; mais un certain nombre de passages cités, sous le nom d’Orphée, par les Pères de l’Église et par d’autres auteurs anciens, sont marqués d’un tel caractère d’antiquité, qu’il n’est guère permis d’en faire honneur aux faussaires religieux de la décadence païenne. Ainsi les deux hymnes à Musée sur Jupiter, dont l’un est le développement de l’autre, et qui ne sont tous les deux que la reprise, sous une forme moins hiératique et plus littéraire, du thème posé plutôt qu’expliqué dans le fragment que j’ai transcrit d’après Aristote, quand je parlais d’Orphée. Voici le plus court des deux hymnes, qui a été conservé par saint Justin le martyr :