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CHAPITRE I.


Du merveilleux poétique.


Une erreur longtemps accréditée, c’est que la mythologie grecque n’est autre chose qu’une machine montée par certains poëtes pour l’échafaudage de leurs compositions littéraires, qu’un système d’allégories ingénieusement imaginé pour assurer à l’épopée cet indispensable ornement qu’on a nommé le merveilleux. L’opinion de Boileau se peut ramener à ces termes. Les critiques à la suite ont enchéri sur les affirmations de Boileau ; et, dans la plupart des traités destinés à la jeunesse studieuse, on ne manque point d’exalter, chez Homère par exemple, le mérite de l’invention, de la création réelle, là où précisément le poëte n’a guère fait qu’emprunter et choisir. Homère est un croyant ; son merveilleux prétendu, ce sont les traditions religieuses que lui ont léguées ses pères. La poésie grecque est vivante, et la mythologie en est l’âme ; mais c’est que la mythologie n’est ni un système, ni une machine fabriquée à plaisir : elle est la religion grecque elle-même.


Religion primitive des Grecs.


Le culte des habitants primitifs de la Grèce était simple, mais non point grossier : ils n’adoraient ni la pierre, ni le bois ; leurs dieux étaient des personnifications de ces forces qui se meuvent et agissent dans la nature. Au premier rang, ils plaçaient Zeus, que nous appelons Jupiter d’après le nom que lui ont donné les Latins : c’était le dieu du ciel ou de l’air ainsi que du jour et de la lumière. Ces deux idées, corrélatives l’une à l’autre, sont contenues dans le radical du mot, comme on le voit en comparant les cas obliques Dios, Dii et Dia, avec les mots latins dies et dium, dont l’un signifie le jour et l’autre l’air ou le ciel. À ce Dieu du ciel, qui habitait les régions supérieures, on donnait pour épouse la Terre, divinisée sous des noms divers, dont quelques-uns, tels que ceux de Héra et de Damater ou Déméter, n’étaient que des synonymes ou des développements du mot terre lui-même : Déméter signifie la terre-mère ou la terre-nourrice.