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LYRIQUES IONIENS. SCOLIES.

je n’ai encore dit mot, et que je ne dois point passer sous silence. Il s’agit de ces chansons de table qui s’improvisaient parmi les coupes, et qu’on nommait scolies. C’était la coutume, dans presque toute la Grèce, mais particulièrement à Athènes, de faire circuler de main en main, à la fin du repas, une lyre ou un rameau de myrte, et d’exiger quelque bout de chanson, quelque pensée revêtue de la forme lyrique, de tous ceux qu’on supposait en état de divertir agréablement les convives. Beaucoup s’en tiraient à bon marché, comme on peut croire, et payaient avec leurs souvenirs, ou avec des impromptus longuement médités d’avance. Mais souvent aussi le convive interpellé se piquait d’honneur : en recevant le rameau ou la lyre, il invoquait mentalement le secours de la Muse ; et la Muse, à son tour, lui donnait de ne rien dire qu’elle eût à désavouer. Le mot σκολιόν, sous-entendu ἆσμα, signifie chant tortu. Le scolie tirait son nom soit de cette course irrégulière du chant autour de la table, soit plus vraisemblablement des irrégularités de forme et des licences métriques qu’on passait à l’improvisation, et dont on se fût choqué dans tout autre chant composé à loisir. Il n’est guère de poëte un peu fameux, depuis Terpandre jusqu’à Pindare, qui ne passe pour avoir fait d’admirables choses en ce genre. Il ne reste rien, ou à peu près, des scolies de Terpandre, d’Alcée, de Sappho, de tant d’autres. Nous parlerons plus bas de ceux de Pindare.


Callistrate.


Le scolie de Callistrate est la chanson en l’honneur des meurtriers d’Hipparque. C’était une illusion générale, chez les Athéniens, que la liberté avait été rendue à leur patrie par Harmodius et Aristogiton, tandis qu’au contraire la mort d’Hipparque n’avait fait que consolider le pouvoir d’Hippias, et rendre le tyran plus cruel et plus soupçonneux. Hippias ne fut renversé que plusieurs années après, et par le Lacédémonien Cléomène. Au reste, voici le scolie, qui n’avait pas besoin d’être une pièce historique pour devenir populaire à Athènes, et qui dut être chanté assez peu de temps après la