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LYRIQUES IONIENS. SCOLIES.

l’homme, il est impossible qu’il ne soit pas méchant, si une calamité insurmontable le vient abattre. Tout homme est bon qui agit bien, méchant qui agit mal ; et ceux que les dieux aiment sont d’ordinaire les plus vertueux. Il me suffit qu’un homme ne soit pas méchant ni tout à fait malhabile, qu’il ait du sens, et qu’il pratique la justice, conservatrice des cités. Je ne le censurerai point, car je ne suis pas enclin à la censure. Aussi bien, le nombre des sots est infini. Oui, tout est beau où rien de laid n’est mêlé. C’est pourquoi jamais je ne tenterai la recherche de ce qui ne saurait exister ; jamais je ne jetterai une part de ma vie dans le vain et irréalisable espoir de trouver un homme absolument sans défaut, parmi nous qui mangeons les fruits de la terre au vaste sein. Si je le rencontre, alors je viendrai vous le dire. Mais je loue et j’aime volontiers quiconque ne fait rien de honteux. Au reste, les dieux eux-mêmes ne combattent pas contre la nécessité. »

Ce ne sont là que les membres mutilés non pas même d’un poëme entier, mais d’une portion de poëme. Or, je demande où l’on y voit rien de cette maigreur dont parle Quintilien. Si ce mot a quelque sens, ce n’est que par la comparaison du style de Simonide avec celui de Pindare, qui est moins simple, moins naïf, plus chargé de mots composés et de métaphores. Simonide emprunte aux Doriens leurs formes poétiques et certaines particularités de langage ; il parle aussi éolien quelquefois ; mais au fond il reste ionien, surtout par l’esprit, c’est-à-dire sobre, tempéré, déjà presque attique.

Mais c’est dans la louange des vrais héros que Simonide a pu s’élever à toute la hauteur de son génie. Rien de plus magnifique, rien de plus noble que ce qui reste du chant où il avait célébré Léonidas et les siens : « Qu’il est glorieux le destin de ceux qui sont morts aux Thermopyles ! Qu’il est beau leur trépas ! Leur tombe est un autel. Au lieu de larmes[1], nous leur donnons un immortel souvenir. La façon dont ils sont morts est leur panégyrique. Ni la rouille ni le

  1. Je lis πρό γόων et non προγόνων.