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CHAPITRE XII.

revint fixer son séjour dans sa ville natale, qui avait pu se relever de ses ruines. Il vivait encore à Téos quand les Ioniens se soulevèrent contre Darius, à l’instigation d’Histiée. C’est là probablement qu’il mourut, dans un très-grand âge. Le nom de vieillard de Téos, sous lequel il est si souvent désigné par les auteurs anciens, semble prouver qu’il avait conservé, jusque dans ses dernières années, sa verve poétique et son génie.


Odes authentiques d’Anacréon.


Nous nous dispenserons de chercher fastidieusement, parmi les fragments d’Anacréon, des citations qui ne donneraient, en définitive, qu’une très-imparfaite idée de la manière du poëte et de sa tournure d’esprit. Il y a une ode au moins dont l’authenticité est incontestable. Elle a été conservée, non pas dans le manuscrit dont les autres sont tirées, mais dans l’ouvrage d’un des commentateurs d’Homère. C’est une allégorie qui a fourni à Horace plus d’un trait heureux. Elle est en petites strophes de quatre vers chacune, et analogues dans leurs éléments à la strophe d’Alcée ou à celle de Sappho : « Cavale de Thrace, pourquoi me jeter ce regard de travers, et me fuir impitoyablement, comme si je ne savais rien d’habile ? Eh bien ! apprends que je te mettrais le frein selon les règles, et que, les rênes en main, je te ferais tourner autour du but de la lice. Mais tu pais maintenant dans les prairies, et tu te joues en bonds légers ; car tu n’as pas un cavalier adroit, et qui s’y connaisse à dompter ta fougue. » Aulu-Gelle cite une des pièces qui se trouvent dans le recueil, comme l’ouvrage authentique d’Anacréon. C’est celle où le poëte s’adresse au ciseleur qui lui fait une coupe d’argent. Elle est dans le simple mètre si cher aux anacréontiques ; mais ce n’est pas une raison suffisante pour la leur attribuer. Elle n’est pas trop indigne d’ailleurs de celle qu’on vient de lire : « En ciselant cet argent, Héphestus, fais-moi, non point une armure (qu’y a-t-il entre les combats et moi ?), mais une coupe profonde : autant que tu peux, creuse-la. Représente-moi, sur cette coupe, non point les astres, ni le Chariot, ni le triste Orion (qu’ai-je affaire des Pléiades, qu’ai-je affaire de