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CHAPITRE I.

rester fidèles, par un effort d’esprit et de goût, aux exquises traditions de notre grand siècle. Il y a tel auteur du temps des Antonins, Lucien par exemple, ou même tel Père de l’Église, par exemple saint Jean Chrysostome, qui ne fait pas trop mauvaise figure à côté des modèles de la langue classique. Il n’est pas jusqu’à la tourbe des écrivains qu’on nommait tout simplement hellènes, qui ne soient au fond plus ou moins attiques, puisque le grec littéraire leur venait précisément ou des atticistes dont j’ai parlé, ou des vrais attiques qui avaient jadis écrit dans Athènes.


Qualités littéraires de la langue grecque.


La langue grecque, considérée soit en elle-même et dans ses conditions essentielles et primordiales, soit dans l’infinie variété de ses manifestations extérieures, se distingue, entre toutes les langues connues, par cette qualité qui est essentiellement celle du génie grec et de ses productions ; je veux dire la mesure, un heureux tempérament entre la rigueur systématique et le laisser aller sans règle, entre la maigreur et la plénitude surabondante. Elle n’a pas, comme je l’entends dire du sanscrit, une grammaire quasi géométrique ; elle n’est pas non plus, comme tel idiome moderne, un amas de termes incohérents mal soudés entre eux par les hasards de l’usage. Elle a rejeté toutes les combinaisons de voyelles et de consonnes qui eussent trop blessé l’oreille, et elle a forcé maintes fois l’orthodoxie grammaticale de céder aux délicates exigences de l’euphonie. Il n’est guère d’irrégularité dans les mots ou dans la syntaxe qui ne s’explique, sans trop d’effort, par quelque haute convenance du bon goût littéraire. Les voyelles, surtout les voyelles brèves, sont nombreuses dans le grec ; et aucune langue ne saurait offrir une plus riche collection de diphthongues et de tons produits par des contractions de voyelles. Le grec était amplement prémuni contre tout danger de monotonie. Il est vrai que la prononciation moderne réduit tous ces sons à un bien moindre nombre, et fait prédominer celui de l’i d’une façon assez désagréable ; mais je ne crois pas que les Grecs les eussent