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LYRIQUES DORIENS.

juste mesure, nul autre, ce semble, n’eût approché plus près d’Homère ; mais son style est redondant et diffus. » Cette diffusion et cet excès d’abondance, que Quintilien remarque dans Stésichore, est un défaut commun à la plupart des lyriques de tous les temps et de tous les pays, mais qu’on n’avait pu encore reprocher ni aux Éoliens ni aux Doriens qui s’étaient fait, avant Stésichore ou en même temps que lui, un nom dans la littérature.


Vie de Stésichore.


Stésichore était contemporain d’Alcman ; mais il avait vécu dans d’autres contrées. Il était né à Himère en Sicile, vers l’an 640 ou 630 avant J. C. Sa famille était originaire de Métaure ou Mataure, ville de l’Italie méridionale, fondée par les Locriens. Himère était demi-dorienne et demi-ionienne, ayant reçu ses habitants de Syracuse et de Zancle. Le langage qu’on y parlait devait se sentir d’un tel mélange ; et ce seul fait suffirait, indépendamment de la tournure tout épique de l’esprit de Stésichore, pour expliquer comment la diction du poëte ressemble si fort, malgré les terminaisons doriennes, à celle des poëtes de l’école d’Homère. La famille de Stésichore, d’après certaines traditions, était adonnée de temps immémorial à la culture de la musique et de la poésie. Plusieurs générations après l’homme qui l’avait illustrée, elle produisit encore deux poëtes de mérite : du moins on conjecture que les deux Stésichore d’Himère qui florissaient l’un au commencement du cinquième siècle avant J. C., l’autre une centaine d’années plus tard, étaient les descendants de Tisias Stésichore, ou de quelqu’un de ses proches. Quant à l’ancien Stésichore, il passa sa vie dans la Sicile et dans la Grande-Grèce, et il parvint jusqu’à une extrême vieillesse. Dans le temps où Phalaris réussissait à établir sa domination sur Agrigente et d’autres villes, c’est-à-dire vers l’an 565 environ, il vivait encore, et il habitait Himère. Il essaya, selon ses moyens, de prémunir ses compatriotes contre l’ambition de Phalaris, qui leur offrait sa protection et son alliance. Il leur récita, dit-on, l’apologue du cheval qui voulut se venger