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CHAPITRE XI.

chore. Les chants d’amour qu’on attribuait à Stésichore, tels que Calycé et Rhadina, étaient des histoires de jeunes filles mortes depuis longues années, victimes de quelque violent ravisseur ou de quelque tyran jaloux.

Les grands poëmes lyriques de Stésichore, ceux qui avaient fait sa réputation, avaient un caractère analogue. C’étaient des légendes héroïques ou mythologiques, empruntées aux poëtes des anciens âges, et développées sous une forme nouvelle, dans un autre langage, avec un appareil musical plus savant et plus compliqué que l’antique rhapsodie. Le long et magnifique récit de l’expédition des Argonautes, dans la quatrième Pythique de Pindare, peut faire comprendre la manière de Stésichore, et montrer que les sujets de l’épopée se sont prêtés sans trop d’efforts aux exigences de la composition lyrique. Nous avons les titres d’un certain nombre des grands ouvrages de Stésichore : la Géryonide, c’est-à-dire le combat d’Hercule contre le géant aux trois corps ; divers autres morceaux dont les anciennes Héracléides avaient probablement fourni la matière, tels que Cycnus, Cerbère, Scylla ; la Destruction d’Ilion, les Retours des Héros, l’Orestie, sujets pris dans le cycle troyen ; les Jeux en l’honneur de Pélias, légende qui se rattache à celle de Jason ; Eriphyle : c’est l’histoire d’Amphiaraüs et de son épouse ; les Chasseurs de sanglier : c’est celle probablement de Méléagre et de sa mère Althée ; l’Europie, que remplissaient en partie, sans nul doute, les voyages et les aventures de Cadmus. Quelques-uns de ces poëmes étaient d’une grande longueur. L’Orestie, par exemple, était divisé en deux livres ; et plusieurs des scènes représentées sur la Table iliaque sont empruntées, comme le marque l’inscription même, à la Destruction d’Ilion de Stésichore.

Voici comment Quintilien apprécie le génie de Stésichore, et cherche à faire comprendre la nature de ses ouvrages, leurs mérites, et aussi leurs défauts : « La puissance d’esprit de Stésichore se montre jusque dans le choix des sujets qu’il a traités. Il chante les plus grandes guerres, les chefs d’armée les plus illustres, et soutient sur la lyre le fardeau de l’épopée. Chaque personnage a chez lui la dignité d’action et de langage qui lui est due ; et, si ce poëte avait su garder la