Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
PRÉLIMINAIRES.

du dialecte épique, avec lequel il conserva toujours une étroite ressemblance. Le dialecte épique fut, pendant des siècles, la langue commune de la poésie. Contemporain des premiers essais de la muse grecque, tout semble prouver qu’il était fixé déjà longtemps avant Homère, et peut-être dès l’époque de la guerre de Troie. C’est donc, sauf les licences autorisées par les besoins de la versification, la langue que parlaient les héros chantés depuis par Homère. Or, ces héros étaient des Achéens. Les Achéens du moins occupent toujours le premier plan dans les tableaux de l’âge héroïque : les Doriens ne s’y montrent pas ; les Ioniens n’y figurent que d’une façon secondaire, et jamais comme des populations différentes des Achéens. Plus tard, le nom d’Ioniens prévalut ; mais ce ne fut pas la substitution d’une race à une autre : les Ioniens n’étaient, pour ainsi dire, que des cadets de la famille achéenne. Et les deux langues, l’achéenne et l’ionienne, étaient vraiment sœurs, comme les deux peuples étaient frères. Dans les légendes généalogiques qui sont les rudiments de l’histoire ancienne de la Grèce, Ion et Achéus sont frères, étant tous les deux fils d’Hellen, personnification de la race hellénique.

L’ionien de la Grèce d’Europe, celui qu’on parlait dans l’Attique, au lieu de s’amollir et de s’efféminer comme l’ionien d’Asie, prit avec le temps un caractère de plus en plus sévère, et devint ce qu’on appelle assez improprement le dialecte attique, qui n’est autre chose que la langue classique elle-même. En effet, sauf un très-petit nombre de formes médiocrement importantes, qui sont demeurées propres aux écrivains d’Athènes, et qui sont ou des restes d’ionien ou des importations éoliques et doriennes, on peut dire que le monde grec presque tout entier finit par adopter l’idiome athénien, sinon partout comme langue usuelle, au moins comme instrument de communication littéraire. Les écrivains du siècle de Périclès, qui le firent triompher des autres dialectes, sont les attiques purs ; mais l’atticisme ne disparut point avec eux : tous les siècles qui suivirent comptèrent des atticistes ; et plus d’un retrouva les secrets de la diction des maîtres, comme nous voyons, de nos jours, certains hommes de talent