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LYRIQUES ÉOLIENS.

mort ? Ce qui est vraisemblable, c’est qu’Arion fut le plus habile des joueurs de lyre de son temps ; ce qui est certain, c’est que ses chants lui valurent les bonnes grâces des hommes les plus puissants de la Grèce, et qu’il jouit d’une faveur toute particulière auprès de Périandre, tyran de Corinthe.

Arion, suivant le témoignage de plusieurs auteurs anciens, avait perfectionné le dithyrambe, ou chant en l’honneur de Bacchus. Ce chant, à l’origine, n’avait presque aucune règle, et ne consistait guère qu’en cris de joie inarticulés, en évohé répétés mille fois, et accompagnés de sauts ou de contorsions bizarres. Arion imagina de mettre dans le dithyrambe le récit des aventures du dieu, et de donner au poëme la dignité et la régularité qui lui manquaient. Suidas dit que les dithyrambes d’Arion avaient un caractère tragique. Au lieu de la danse effrénée de buveurs avinés, il y eut un véritable chœur pour le dithyrambe, chœur vif et bondissant, mais dont les mouvements les plus impétueux n’étaient que la traduction des sentiments exprimés par les paroles et la musique. Les choreutes du dithyrambe, depuis le temps d’Arion, dansaient, en se tenant par la main, et en tournant autour de l’autel où brûlait le sacrifice. De là le nom de chœur cyclique, c’est-à-dire chœur circulaire, que portait la ronde dithyrambique, et celui de cyclodidascalie, qui désignait l’art d’instruire et de mener les choreutes de la ronde. De là aussi la synonymie, chez les auteurs anciens, des expressions maître de chœurs cycliques et poëte de dithyrambes.

C’est à Corinthe, c’est dans la noble et florissante cité de Périandre, qu’Arion fit subir au chant orgiastique de Bacchus ces graves modifications. C’est à Corinthe aussi que le dithyrambe fut cultivé, pendant longtemps, avec le plus de soin et de succès. Pindare ne l’oublie point, en célébrant un dés vainqueurs d’Olympie, Xénophon de Corinthe. Il rappelle en deux mots et l’invention d’Arion et le prix que les Corinthiens décernaient au vainqueur dans le concours dithyrambique : « A l’inventeur, toute œuvre. Qui a fait paraître aux fêtes de Bacchus le dithyrambe et le bœuf triomphal[1] ? »

  1. Pindare, Olympiques, ode XIII, épode 1.