Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
CHAPITRE I.

mais on classait généralement parmi les dialectes éoliques tout ce qui n’était ni ionique, ni attique, ni dorien : ainsi le thessalien, l’éléen, et d’autres dialectes plus ou moins connus par les monuments épigraphiques.

Le dialecte de la race dorienne n’était guère qu’une variété de l’éolien. Originairement confiné dans une étroite portion de la Grèce du nord, la grande révolution qu’on nomme le retour des Héraclides le répandit dans le Péloponnèse et dans d’autres contrées. Le dorien est remarquable entre tous les autres dialectes grecs par la force et l’ampleur, par la prédominance des sons ouverts et la rareté des consonnes sifflantes. Jusque dans les siècles les plus polis, et au sein de la civilisation la plus raffinée, à Syracuse par exemple, il conserva sa physionomie antique et sa robuste nature, un peu rustique, mais non pas sans grâce ni sans beauté. Disons pourtant que le goût dédaigneux de ceux qui n’étaient pas Doriens s’accommodait peu de cette mélopée naïve et de ces mots rudement accentués. « Elles vont m’assommer, tant à chaque mot elles ouvrent largement la bouche, » s’écrie un étranger dans l’idylle de Théocrite, en entendant babiller les deux Syracusaines.

Le dialecte ionien diffère de ce qu’on peut regarder comme type primitif de la langue beaucoup plus que le dorien, surtout que l’éolien. Né sur le continent de la Grèce, il se propagea dans l’Asie Mineure avec les colonies parties d’Athènes, et là il subit encore une élaboration ou une épuration nouvelle. L’influence de ces molles contrées est manifeste dans cette excessive recherche de l’harmonie, qui est son trait distinctif. Il aime les sons doux et liquides, le concours des voyelles, non pas de toutes indistinctement, mais de celles-là surtout dont la prononciation exige le moins d’efforts. L’a domine dans les dialectes archaïques : dans le dialecte ionien, il paraît à peine, et ce n’est jamais lui qui porte l’accent aux syllabes finales. L’euphonie règle non moins impérieusement la disposition des consonnes ou leurs permutations.

Le dialecte ionien, avant de devenir ce qu’il est dans Hippocrate ou dans Hérodote, devait se rapprocher infiniment