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CHAPITRE VIII.

valeur, est d’une époque bien plus récente. C’est un de ces pastiches littéraires comme on en faisait au temps de la lutte du paganisme et du christianisme.


Théognis.


Phocylide rédigeait ordinairement ses sentences morales en vers épiques : parmi les vers qui lui sont attribués, il n’y qu’un seul pentamètre. Théognis, qui compte à tant de titres au nombre des poëtes gnomiques, ne s’est servi que de la forme élégiaque. Il avait composé des élégies proprement dites, à propos de certains événements dont il avait été le témoin ; et l’espèce de poëme moral que nous possédons sous son nom semble être formé de fragments empruntés à des ouvrages divers, dont chacun formait un tout et avait son sujet particulier. Cette collection a été faite sans aucun ordre, remaniée probablement plusieurs fois, et grossie par des interpolations : il s’y trouve des vers qui ne sont pas de Théognis, et dont on connaît les véritables auteurs. Mais, dès le temps de Xénophon, Théognis était considéré surtout comme un moraliste : on apprenait par cœur ses sentences, comme celles de Phocylide. On les avait probablement extraites déjà de ses élégies ; et peut-être dès ce temps le corps des élégies elles-mêmes avait-il déjà péri, négligé au profit des membres qu’on en avait dépecés.

Théognis était de Mégare, et il vivait dans la dernière moitié du sixième siècle, Il paraît même avoir prolongé sa carrière jusqu’au temps de la deuxième guerre Médique. Il appartenait à cette aristocratie dorienne qui avait gouverné Mégare depuis que cette ville s’était séparée de Corinthe, et qui fut dépossédée de ses privilèges quand Théagénès, soutenu par le parti populaire, s’empara du souverain pouvoir. Théognis ne perdit pas seulement ses honneurs : il vit son patrimoine passer en d’autres mains, et il alla mourir dans l’exil. Il mourut probablement à Thèbes ; mais il n’y faisait pas un constant séjour, car on trouve dans ses vers la trace de voyages à Sparte, en Sicile, en Eubée.