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CHAPITRE I.

longs siècles, le fonds commun apporté d’Orient ; et un immense travail dut s’opérer, durant cette période pour nous si obscure d’où sortirent, rayonnantes de jeunesse, et cette nation grecque de l’âge héroïque dont les exploits ont mérité d’être chantés par Homère, et cette langue grecque dont les premiers monuments écrits demeurent à jamais des types de grâce et de beauté.


Caractères généraux de la langue grecque.


Un pays tel que la Grèce, si divisé, si découpé pour ainsi dire, et où les populations, séparées par des montagnes ou par des mers, étaient condamnées à vivre fort isolées les unes des autres, ne pouvait ni avoir par lui-même ni conserver bien longtemps cette unité absolue de nationalité et de langage qui était le caractère dominant des races d’hommes répandues dans les vastes plaines de la haute Asie. Aux temps héroïques, la Grèce compte une multitude presque infinie de peuples ou de tribus plus ou moins puissantes, toutes se distinguant non-seulement par le nom mais par des traditions qui leur sont propres, par une histoire à elles, et probablement aussi par des variétés de dialectes ou de prononciation. Les habitants de l’île de Crète, au témoignage d’Homère, ne formaient pas une nation identique, et ne parlaient pas tous la même langue. Il en devait être de même, à plus forte raison, pour les diverses parties de la Grèce les unes par rapport aux autres. Mais il faut dire qu’au fond de cette variété, subsistait la vraie unité, l’unité morale, celle qui fait que les peuples se sentent frères et que les œuvres de leur génie sont marquées, sinon d’une empreinte uniforme, au moins de traits frappants de ressemblance.

La langue grecque ne perdait pas, dans l’abondance de ses formes diverses, ce qui est son essence. Les dialectes n’étaient point des jargons, produits informes d’une décomposition de l’idiome maternel : elle était tout entière dans chacun d’eux ; et chacun d’eux n’est, si j’ose dire, qu’un aspect particulier de la même figure, vue de face ou de profil, mais