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CHAPITRE VIII.


Élégie sur l’anarchie.


On sait dans quel état de trouble et d’anarchie était tombée la ville d’Athènes, quand Solon entreprit de réformer la constitution et les lois. Avant de rien proposer au peuple, il fallait lui faire sentir l’urgente nécessité de la réforme, et ramener les esprits aux saines pensées d’ordre et de soumission. Ce fut le triomphe de la Muse, non moins que du génie politique. Démosthène nous a conservé presque entière une élégie qui appartient à cette mémorable période de la vie de Solon, et qui débute ainsi : « Non, notre ville ne périra jamais par un décret de Jupiter, ni par la volonté des dieux immortels. Car une magnanime protectrice, la fille d’un père puissant, Pallas Athéné étend sur elle ses mains. » Le poëte déplore amèrement les maux qui affligent la cité ; il stigmatise énergiquement l’insolence et la rapacité des démagogues, et il peint de tristes couleurs la misère des pauvres, de ces débiteurs que les riches vendaient comme esclaves, et qu’on emmenait, chargés de chaînes, loin de la terre natale et du foyer de leurs pères. Au tableau navrant des maux enfantés par l’anarchie, il oppose celui des biens qui sont les fruits de sages institutions. Cette élégie est une leçon, une remontrance. Solon le dit lui-même ; il dit aussi qu’en signalant les maux et le remède, il ne fait qu’obéir aux impérieuses suggestions de sa conscience. Une telle poésie, si profondément sensée, et tout étincelante de verve et de passion, ne pouvait manquer d’avoir sur les âmes un empire irrésistible.


Élégies de Solon en l’honneur de ses lois.


Solon eut un instant, dit-on, la pensée de rédiger ses lois en vers épiques. Plutarque cite même les deux premiers hexamètres du préambule : « Je prie d’abord le roi Jupiter, fils de Saturne, d’accorder à ces lois bonne chance et gloire. » Je n’affirmerais pas la parfaite authenticité de ces vers, ni la réalité du dessein qu’on prête à Solon. Ce n’est pas que je le trouve trop invraisemblable. Il y avait, dans ses lois, une par-