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PRÉLIMINAIRES.

ques-unes de leurs traditions domestiques les pouvaient instruire. Homère ne dit nulle part que les Grecs parlassent, au siège de Troie, une langue différente de celle des peuples de l’Asie, Troyens, Lyciens, Dardanes, contre lesquels ils luttaient. On doit supposer que Grecs et barbares s’entendaient mutuellement, puisque Homère les fait converser entre eux : ils avaient donc un idiome sinon commun, du moins très-analogue. Persée, suivant quelques-uns, était un héros grec et perse tout ensemble : les Grecs lui attribuaient la fondation de Mycènes, et le Grand-Roi le revendiquait pour son ancêtre. Le poëte Eschyle a deviné, comme par instinct, cette fraternité des Perses et des Grecs, si tard démontrée par la science. Voici comment la reine Atossa, dans la tragédie des Perses, conte à ses vieux conseillers le songe qu’elle vient d’avoir : « Il m’a semblé voir deux femmes apparaître devant moi, magnifiquement vêtues. L’une était parée de l’habit des Perses, l’autre du costume dorien ; leur taille avait plus de majesté que celle des femmes d’aujourd’hui ; leur beauté était sans tache : c’étaient deux filles de la même race, c’étaient deux sœurs. A chacune le sort avait fixé sa patrie : l’une habitait la terre de Grèce, l’autre la terre des barbares. » Ces deux femmes, ces deux sœurs du songe d’Atossa, ce sont les figures symboliques de la Perse et de la Grèce.

Les traditions recueillies par les auteurs anciens nous représentent les premiers peuples de la Grèce, non point comme des brigands farouches et sanguinaires, mais comme des hommes industrieux, de mœurs simples et douces, adonnés à l’agriculture, et rendant aux puissances de la nature divinisées un culte qui n’avait rien de sauvage. Ils construisirent, dès les temps les plus reculés, des villes considérables ; et les monuments qu’on nomme cyclopéens à cause de leurs dimensions colossales, ces remparts, ces portes de cités, ces tours, sont encore là pour prouver que les ancêtres des Grecs n’étaient dénués ni du génie des arts, ni des connaissances pratiques qui supposent un long passé et l’expérience acquise à force d’essais. C’est entre les mains de ces populations intelligentes que prospéra, pendant de