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POÉSIE IAMBIQUE.

Mais de toute cette poésie, de cet art consommé, de cette inspiration si vive, de cette véhémence et de cette fougue, il ne reste guère qu’un souvenir. Les fragments des ïambes d’Archiloque que j’ai transcrits sont bien peu de chose, et ce sont les plus importants qu’on ait recueillis. Il y en a deux autres néanmoins qui méritent une mention particulière. Ce sont les débuts de deux apologues, dont on ne peut que deviner les sujets : on voit seulement que les personnages de l’un sont le renard et l’aigle, et ceux de l’autre le singe et encore le renard.

Je n’ai rien à dire de la langue d’Archiloque, sinon que c’est toujours le dialecte ionien, mais rapproché, autant que possible, de l’usage commun, et assez analogue à ce que fut depuis la diction des poëtes comiques d’Athènes. Quant aux inventions métriques, qui comptaient pour une si grande part dans la gloire littéraire d’Archiloque, je n’ai pas la témérité de vouloir établir avec précision en quoi elles consistaient. Je remarque seulement qu’il y a, dans ses fragments, des vers de diverses mesures. Il y a le vers ïambique de six pieds, qui devait faire, dans la tragédie et la comédie, une si brillante fortune. Archiloque semble même avoir composé dans ce rhythme des pièces entières. Mais ce qui est le plus commun chez lui, ce ne sont pas les vers purement ïambiques ; ce sont des vers où se combinent, en proportions variables, l’ïambe et le trochée avec les mètres anciens. Archiloque a employé aussi le vers hexamètre, mais suivi d’un des vers de son invention. Il a transporté à la poésie ïambique le principe, déjà appliqué dans l’élégie, de faire alterner deux vers de longueur inégale, en plaçant d’ordinaire le plus long vers avant le plus court. Cette sorte de distiques est ce qu’en a nommé des épodes. Les épodes d’Horace sont des imitations de ceux d’Archiloque. C’est ce qu’Horace dit lui-même : « J’ai montré le premier an Latium les iambes de Paros ; j’ai emprunté le rhythme d’Archiloque et son inspiration, mais non pas sa colère, ni ces invectives dont il poursuivait Lycambès[1]. »

  1. Épîtres, livre I, XIX, vers 23 et suivants.